L’union du cheval barbe

Auteur d’un ouvrage qui a éveillé la curiosité de la presse française, Le Cheval, animal politique (Favre, 2009), Jean-Louis Gouraud a également dirigé la rédaction de Jeune Afrique dans les années 1970. Il a assisté à l’inauguration du 2e Salon du cheval d’El-Jadida, au Maroc.

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Publié le 10 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

De toutes les idées lancées par Nicolas Sarkozy, il en est une qui avait, dès le départ, peu de chances d’aboutir : l’Union pour la Méditerranée (UPM). Pour relancer une affaire qui a si mal commencé, puis-je avancer une idée moins farfelue qu’elle en a l’air : la création d’une union du cheval et de l’équitation, dont il faudrait proposer au Maroc de prendre la direction.

Cette perspective – cavalière, bien sûr – m’est apparue comme une sorte d’évidence lorsque j’ai assisté, le mardi 20 octobre, à l’inauguration, par Mohammed VI en personne, du 2e Salon du cheval d’El-Jadida, dont la foule a frôlé le chiffre de 150 000 visiteurs. Chaque région du Maroc y présentait ses richesses dans le domaine de l’élevage, de l’artisanat ou du tourisme équestre. Chaque institution liée à ces activités y avait également installé un stand : la Fédération équestre, les associations d’éleveurs, les sociétés de courses, ainsi que, bien sûr, ces grands utilisateurs de chevaux que sont, au Maroc, la police, la gendarmerie, l’armée et, primus inter pares, la garde royale. En dehors des expositions et des exhibitions de fantasias, on pouvait se distraire de mille façons : démonstrations de maréchalerie, baptêmes de poneys pour les enfants, spectacles équestres internationaux du meilleur niveau.

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Fer de lance de la conquête

C’est en assistant à cette succession de numéros extraordinaires que s’imposa à moi la réalité d’une certaine communauté méditerranéenne façonnée par le cheval. Lorsque entrèrent sur scène les magnifiques andalous dits « de pure race espagnole » menés en main par les écuyers magiciens de l’École royale de Jerez, comment ne pas voir dans ces animaux au chanfrein légèrement busqué, à l’encolure puissante, l’évident cousinage avec les chevaux barbes ? C’est-à-dire berbères. C’est-à-dire d’Afrique du Nord. C’est-à-dire d’ici ! Lorsque entrèrent ensuite les cavaliers de Zaouyat Cheikh (une localité du Moyen-Atlas) vêtus de blanc et d’or, debout sur leurs étriers, montés sur de fringants petits chevaux gris au bec rose, à la crinière en panache, sellés et bridés de harnachements somptueux, comment ne pas songer à leurs lointains ancêtres, qui, en l’an 711, servirent de fer de lance à la conquête musulmane ?

Comment ne pas se souvenir que, bien avant eux déjà, Hannibal était passé par là, remonté en chevaux numides (berbères), qui laissèrent des traces sur tout le pourtour méditerranéen : en France, sans doute (les petits chevaux de Camargue), en Italie sûrement. Comment ne pas ressentir qu’on est ici, au Maghreb, au cœur d’une civilisation dont le feu s’est propagé sur une grande partie du pourtour méditerranéen, et dont le véhicule fut incontestablement ce petit cheval local dont on a vu, à El-Jadida, quelques beaux spécimens lors du Championnat national du cheval barbe.

Mohammed VI, ayant appris que le dernier étalon barbe possédé par les Haras nationaux français s’était éteint récemment, offrit à la France un superbe étalon gris rouanné de 6 ans baptisé Ouadoud. La France est le pays « hors berceau » où la concentration de chevaux barbes est la plus forte. Raison pour laquelle elle fut admise à faire partie d’une organisation unique en son genre, l’Organisation mondiale du cheval barbe (OMBC). Et malgré les incessantes chamailleries qui opposent l’Algérie au Maroc, l’institution continue de fonctionner, vaille que vaille : l’Algérie, ainsi que la Tunisie, ont envoyé un délégué à El-Jadida. Preuve que le cheval peut être le ciment qui manque à l’UPM.

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