Zone franche « made in China » : 1 milliard et des questions

Avec l’immense projet de pékin au nord de Port-Louis, l’île accueille le plus important investissement étranger de son histoire. Qui suscite toutefois des inquiétudes…

Publié le 10 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Comme un symbole de l’évolution économique de l’île Maurice, Riche-Terre s’apprête à passer, en quelques années, des champs de canne à sucre aux buildings et aux usines high-tech. D’ores et déjà, les cultivateurs ont été expropriés et évacués. La terre, réputée ici pour sa fertilité, a été arasée. Depuis la mi-septembre, les ouvriers sont à la tâche. Dans trois ans, annonce le gouvernement, se dressera ici une ville d’un nouveau type : à la fois zone franche pour les industries traditionnelles (textile) ou plus modernes (informatique, pharmaceutique, solaire), plate-forme de services, lieu de vie et nid à touristes… Le tout financé par les Chinois dans un objectif clairement affiché : faire de Maurice « une plate-forme d’affaires entre l’Afrique et la Chine ». En tout cas, les partenaires n’ont pas perdu de temps puisqu’ils ont officiellement conclu leur accord le 16 septembre 2009 !

Les promoteurs de la Mauritius JinFei Economic Trade and Cooperation Zone ont vu les choses en grand. Il s’agit, selon les autorités, de l’investissement direct « le plus important jamais réalisé à Maurice ». Le complexe, qui donne sur la mer, s’étendra sur 211 hectares. Son aménagement nécessitera un investissement de près de 1 milliard de dollars. À terme, on y trouvera un hôpital, deux hôtels, des dizaines d’usines, une université et des milliers de logements, soit un vivier de 30 000 à 40 000 emplois potentiels et un gain pour le pays évalué à 212 millions de dollars grâce aux recettes d’exportations… « Ce n’est pas une zone franche traditionnelle. Ce sera un lieu de vie », annonce Seewraj Nundlall, le responsable du projet au sein du Board of Investment (BOI), un organisme étatique.

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« JinFei n’est pas un programme comme les autres, les secteurs privé et public sont intimement impliqués », complète un fonctionnaire du ministère des Finances. Deux des trois sociétés chinoises (Tisco, Shanxi Coking Coal et Tianli Group) qui mènent ce projet sont publiques. L’arrivée imminente d’un quatrième actionnaire, le China Africa Development Fund, un fonds créé par le gouvernement chinois pour financer ces zones spéciales, confirme l’implication de Pékin… et effraye certains Mauriciens.

Une future enclave chinoise ?

« Avec la Chine, nous avons toujours eu des relations privilégiées. Mais ce projet crée beaucoup d’inquiétudes », déplore le leader de l’opposition, Paul Béranger, qui regrette « l’opacité » du contrat dont les termes n’ont pas été rendus publics. « Il y a beaucoup de zones d’ombre, insiste Reeaz Chutto, le président du Front des travailleurs du secteur privé (FTSP). Combien de Mauriciens seront embauchés ici ? La Chine importera-t-elle ses ouvriers, ses équipements ? Se servira-t-elle de Maurice pour investir le marché africain ? Qu’allons-nous y gagner ? »

« Tout le monde aura de l’emploi », rétorque le ministre du Travail, Jean-François Chaumière – s’ils ne sont pas directs, au moins seront-ils indirects, ajoute-t-il. Le BOI assure pour sa part que JinFei ne sera pas une enclave chinoise dans l’île. « Tout le développement qui va s’y faire tombe sous les lois mauriciennes », assure Seewraj Nundlall, selon lequel le promoteur et les sociétés qui s’y installeront seront soumis à la fiscalité en vigueur.

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