UEMOA : terres de contrastes

Publié le 9 novembre 2009 Lecture : 5 minutes.

Dans un contexte difficile, le Niger décroche le titre de champion de la croissance dans l’UEMOA, tandis que le Sénégal et le Togo sont les lanternes rouges. C’est ce qu’indique le dernier rapport de la Banque de France sur la zone franc (données arrêtées en juillet 2009). Avec une progression de son PIB qui a grimpé jusqu’à 9,5 % en 2008, le Niger fait beaucoup mieux qu’en 2007 (3,3 %) et qu’en 2006 (5,8 %). Une performance qui s’explique par une production agricole fortement à la hausse et des investissements dans les secteurs miniers, des télécommunications et des transports. Juste après, trois pays enregistrent une croissance égale ou supérieure au seuil symbolique de 5 % : le Bénin (5 % en 2008, contre 4,6 % en 2007), le Burkina (5 %, contre 3,6 %) et le Mali (5,1 %, contre 4,3 %). Malheureusement, ces bons résultats décroîtront tous en 2009 et probablement en 2010 et en 2011, si l’on en croit le rapport « Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne » d’octobre 2009 du FMI. La croissance du Niger descendrait ainsi à 3 % en 2009, et se situerait entre 2,5 % et 4 % en 2010 et 2011. Les autres pays devraient s’installer dans une fourchette allant de 3 % à 4 % en 2009, et pourraient de nouveau atteindre les 5 % entre 2010 et 2011.

Les lanternes rouges de la sous-région : le Togo, qui paie le prix des incertitudes politiques et de quinze ans de rupture avec les bailleurs de fonds, et le Sénégal, handicapé par l’atonie de l’industrie et des services, ont engrangé, pour le premier une croissance du PIB de 1,6 % en 2008 de 2,1 % en 2007, et pour le second de 2,5 % et 4,7 % pour ces mêmes années. D’après les prévisions, leurs performances devraient se redresser très timidement en 2009 pour se situer entre 2,5 % et 4 % en 2010 et 2011.

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Un regain de vitalité du secteur agricole

De son côté, la Côte d’Ivoire profite de l’accalmie relative consécutive aux accords de Ouagadougou. Pour la première fois depuis 2001, sa croissance (2,3 % en 2008) dépasse la barre des 2 %. Les perspectives sont directement liées à la stabilisation politique avec en ligne de mire les prochaines échéances électorales. Pour le FMI, le PIB ivoirien oscillera entre 4 % et 5 % en 2010 et 2011.

Ces performances relativement satisfaisantes reposent en partie sur un regain de vitalité du secteur agricole. C’est le cas des cultures vivrières grâce à une bonne pluviométrie lors de la campagne 2008-2009, et aux actions publiques destinées à limiter l’effet de la flambée des prix des denrées alimentaires, notamment après les « émeutes de la faim » qui ont secoué un certain nombre de pays de la sous-région en début d’année 2008. Le Sénégal fait d’ailleurs très fort avec un bond de 145 % pour la production de maïs et de 123,4 % pour le mil et le sorgho. Outre la bonne conjoncture climatique, la performance sénégalaise s’explique aussi par la Goana (Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance), lancée par les autorités en avril 2008 et dont le coût est estimé à 344,7 milliards de F CFA. Toutefois, après le coup de fouet initial, les résultats de la saison 2009-2010 donneront des indications sur l’effet de la Goana sur la durée. « On peut déjà dire que la tendance sera à la baisse », indique Cheikh Oumar Ba, coordonnateur adjoint de l’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar).

Les filières coton reculent, sauf au Burkina

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En deuxième position dans l’UEMOA, le Burkina a affiché une croissance de son agriculture vivrière de 36,4 % l’an passé. Il est suivi du Mali (+ 23,9 %), du Bénin (+ 20,4 %), du Niger (+ 20,2 %) et de la Guinée-Bissau (+ 15,4 %). Mauvaise nouvelle pour toute la zone UEMOA : la pluviométrie a été déficitaire tout au long de l’hiver 2009, notamment au Sénégal, au Mali et en Guinée-Bissau, ce qui pourrait augurer d’un repli de la production vivrière.

La situation des cultures de rente a quasi suivi la courbe inverse de celle des cultures vivrières. La faute à la désorganisation chronique des filières. Notamment la filière coton, dont la production décline partout – et le repli des cours persistant en 2009 ne devrait pas améliorer la tendance. Il n’y a guère que le Burkina qui s’en sort, avec une progression de 45,1 % de la production l’an passé. Une belle performance qui s’explique par l’implication des autorités, qui ont mis la main à la poche pour recapitaliser la Sofitex, principale société cotonnière, et qui ont négocié une convention de 9,8 milliards de F CFA avec l’Agence française de développement, permettant de subventionner l’achat aux producteurs. Pour améliorer la compétitivité de la filière, les autorités misent plus que jamais sur les très controversés organismes génétiquement modifiés (OGM) – 15 000 ha leur sont dédiés en 2008-2009, avec à terme des surfaces de 200 000 ha.

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À l’inverse, la production de cacao de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, s’est repliée de 17 % durant la campagne 2008-2009. Une baisse qui s’explique notamment par le vieillissement des vergers. Le 1er octobre dernier, Gilbert N’Guessan, président du Comité de gestion de la filière café-cacao, affirmait que des « indicateurs nous préviennent que la production 2009-2010 connaîtra une baisse ».

Morosité identique dans les matières premières et les hydrocarbures en 2008. La production pétrolière ivoirienne a baissé de 5,8 % en raison de l’ensablement de certains puits. L’uranium nigérien a reculé de 2,6 % – même si les perspectives sont bonnes avec l’exploitation en 2010 du gisement d’Azelit par les Chinois, et en 2012 du gisement d’Imamouren, où Areva a commencé les travaux en mai 2009. L’extraction de phosphates a chuté de 16,3 % au Sénégal malgré la reprise de l’activité des Industries chimiques du Sénégal (ICS), et, même si elle progresse de 12,3 % au Togo, les équipements restent vétustes et le potentiel mal exploité.

L’an dernier, la production d’or était aussi à la baisse au Mali (– 7,5 %) et au Niger (– 2,6 %), mais a grimpé de 258 % au Burkina grâce à l’exploitation de nouvelles mines. Pour les mêmes raisons, auxquelles se sont ajoutées l’arrivée de nouveaux opérateurs et la reprise de l’exploitation dans le Nord, une hausse de 96,7 % de la production a eu lieu en Côte d’Ivoire. Autre recul, l’indice de la production industrielle, en chute en 2008 (– 2,2 %) et en 2007 (– 3 %). C’est la conséquence d’un approvisionnement électrique globalement défaillant mais aussi de l’atonie du secteur des industries extractives ainsi que des usines d’égrenage et de transformation du coton.

De « bons élèves » maintiennent toutefois la tête hors de l’eau. Porté par les gros investissements dans le secteur de l’uranium, le Niger (dont la production d’uranium devrait augmenter de 25,2 %) profite du regain de l’activité commerciale et du dynamisme du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Au Bénin, la transformation artisanale des produits vivriers s’est améliorée et l’activité d’égrenage du coton récolté lors de la saison 2007-2008 a eu un impact positif. Et la petite croissance dans l’activité industrielle en Côte d’Ivoire (+ 0,6 %) a été rendue possible par la poursuite des grands projets d’infrastructures, qui pourraient ralentir quelque peu en raison des urgences budgétaires liées à l’organisation des élections générales. Pour combien de temps ?

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