L’esclavage, un crime de papier

Publié le 9 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Un bout de papier ne suffit pas. Tel est, en clair, le message adressé aux Mauritaniens par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage.

Après dix jours d’enquête à Nouakchott, Rosso (sud du pays) et Atar (nord), Gulnara Shahinian a conclu que la loi de 2007 assimilant l’esclavage à un crime n’est pas appliquée. « On trouve toutes les formes d’exploitation : servage et servitude domestique, mariage et travail des enfants, trafic d’êtres humains », a-t-elle déclaré le 3 novembre.

la suite après cette publicité

La Mauritanie a pourtant fait un grand pas vers l’éradication de cette pratique ancestrale, dont on a du mal à connaître l’ampleur – on ignore par exemple le nombre de personnes concernées.

Aboli en 1981, l’esclavage n’était pas réprimé jusqu’en 2007. Conformément à une promesse de campagne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, élu président en mars 2007, une loi l’interdisant est adoptée trois mois plus tard, à l’unanimité.

Les contrevenants encourent cinq à dix ans de prison et entre 500 000 et 1 million d’ouguiyas d’amende (1 500 à 3 000 euros). Du moins en théorie… Car, selon Boubacar Ould Messaoud, le président de l’ONG SOS Esclaves, « aucune affaire n’a été portée devant les tribunaux ». Quelques indemnisations ont bien été versées de manière informelle, relève-t-il, mais « elles avaient déjà été signalées avant le vote de la loi ».

Les difficultés d’application de cette dernière tiennent d’abord au manque de preuves. La pratique peut être difficile à démontrer : souvent les maîtres hébergent et nourrissent leurs esclaves. Il leur arrive même de les scolariser.

la suite après cette publicité

Autre raison : « Les victimes sont psychologiquement très faibles. Pour elles, porter plainte, c’est commettre un péché », explique Ould Messaoud. Les liens quasi filiaux qui unissent maîtres et esclaves sont parfois si forts qu’il n’est pas rare de voir une mère s’opposer à ses enfants lorsqu’ils tentent de la libérer. L’absence de prise en charge après l’affranchissement n’est pas, elle non plus, incitative.

Jusqu’en 2005, les autorités s’obstinaient à nier le phénomène. L’accueil qu’elles ont réservé à la rapporteuse spéciale des Nations unies, impensable il y a dix ans, constitue un signe encourageant : si la pratique perdure, le tabou, lui, est enfin levé.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires