Francophonie à Beyrouth : la culture pour la paix
« Cette ville a été bombardée pendant trente-trois jours. Deux cent cinquante immeubles ont été pulvérisés par les Israéliens. Deux cent cinquante autres ont été endommagés, y compris celui où vous vous trouvez. » Dans son allocution de bienvenue, Samir Daccache, le maire de Haret Hreik, rappelle la vraie réalité du Liban à ses invités. Ceux-ci sont des écrivains et des journalistes venus découvrir la banlieue sud de Beyrouth à l’occasion du Salon francphone du livre que la capitale libanaise organise du 23 octobre au 1er novembre.
Les traces de la guerre de l’été 2006 ne sont déjà plus très apparentes dans la zone qui a été la plus touchée. Pas de doute, pourtant : on est en plein fief du Hezbollah, comme l’atteste le nombre des affiches représentant Hassan Nasrallah, le leader du mouvement chiite, et Imad Mounieh, l’un de ses dirigeants historiques, assassiné à Damas en février 2008.
L’objet principal de notre visite est le Centre de lecture et d’action culturelle (Clac), mis en place en 2002 par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Haie d’honneur à l’entrée du bâtiment, discours solennel (en arabe), hymne national… l’accueil est passablement pompeux. Mais, très vite, on perçoit la force symbolique du lieu. Si Haret Hreik est la capitale de la résistance du Liban, il est aussi un peu, avec son Clac, la capitale de l’interculturalité. Ici, musulmans et chrétiens font bon ménage. Le maire de ce bastion chiite n’est-il pas lui-même un chrétien maronite ?
Polyphonie linguistique
Trois écrivains, le Haïtien Lyonel Trouillot, la Franco-Suisse Pascale Kramer et le Togolais Kossi Efoui, sont venus présenter leur œuvre à un auditoire constitué pour beaucoup de fonctionnaires et d’enseignants de Haret Hreik. Les femmes, voilées ou pas, semblent les plus attentives. Celles-ci sont nombreuses à fréquenter la bibliothèque du centre. Le français y côtoie harmonieusement l’arabe et l’anglais, langue qui a pris une place grandissante au pays du Cèdre. Mais qu’importe ! « La francophonie ne se vit pas contre d’autres langues, mais en partenariat avec elles », dit Frédéric Bouilleux, le patron de la direction de la langue française à l’OIF, qui conduit notre petit groupe.
Les Clac se sont implantés à partir de 1986 dans des zones rurales où l’on ne trouve ni librairie ni bibliothèque, où la télévision et les ordinateurs sont rares, puis dans les banlieues défavorisées des grandes villes. On en compte aujourd’hui 225, situés dans 18 pays, pour la plupart en Afrique subsaharienne et dans l’océan Indien. L’OIF fournit la dotation de départ en livres et en équipements audiovisuels, et assure la formation des cadres nationaux. Quant à la collectivité locale bénéficiaire, elle prend en charge le bâtiment et s’occupe de l’animation du centre.
Pour ce qui est du centre de Beyrouth Sud, l’OIF a apporté 2 500 ouvrages. La bibliothèque en possède aujourd’hui 10 000, dont beaucoup s’adressent aux enfants. Outre les livres et les magazines, des films et des jeux éducatifs sont proposés. D’autres activités intéressent un public plus large. Les conférences sur des sujets de santé sont en particulier très prisées. Le nombre des adhérents dépasse le millier, et le Clac a enregistré 300 000 visites depuis sa création, ce qui en fait le centre culturel le plus fréquenté du pays.
Le Liban dispose actuellement de 15 Clac. Leur succès est tel que dix autres sont en cours de création, à la demande de plusieurs municipalités. Même celui de Haret Hreik, auquel la ville alloue 50 millions de livres libanaises par an (environ 25 000 euros), va bientôt prendre une nouvelle envergure. Le local actuel de 300 m2 doit céder la place à un immeuble de trois étages : deux pour la bibliothèque, un autre pour un théâtre. Dans l’espoir, bien sûr, que les avions israéliens ne viennent plus jamais rôder dans les parages.
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