Economie : une offensive continentale encore trop timide

Moins agressifs que les Chinois, moins voyants que les Français, moins pragmatiques que les Américains, les entrepreneurs marocains avancent leurs pions au sud du Sahara.

Publié le 3 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Le Maroc à la conquête de l’Afrique

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Dans le sillage des visites de leur souverain, les patrons marocains, saison après saison, continuent de tisser leur toile africaine. La qualité des relations privées des dirigeants africains avec Hassan II, puis Mohammed VI, a scellé le début de cette coopération économique mais, aujourd’hui, l’expertise et le savoir-faire des entrepreneurs marocains sont largement reconnus et sollicités sur le continent. Un marché qu’ils jugent sérieux, crédible et solvable.

« J’ai la conviction que l’Afrique est le continent du futur », explique Moulay Hafid Elalamy, PDG du groupe d’assurance Saham et ancien président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). « Nos arrière-grands-parents commerçaient déjà avec l’Afrique. Mais, outre la proximité historique, il y a entre opérateurs marocains et africains un idéal commun : celui de s’intégrer solidement dans la mondialisation », explique le tycoon marocain, qui étudie le développement de Saham en Afrique de l’Ouest.

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Résultat de cette stratégie africaine : les échanges du royaume avec l’Afrique subsaharienne sont passés, en valeur, de près de 4 milliards de DH (526 millions de dollars) en 1998 à plus de 10,8 milliards de DH (1,4 milliard de dollars) en 2008, soit une augmentation de plus de 170 % en dix ans. Une performance par rapport à la valeur des échanges réalisés entre les pays du sud du Sahara et l’Égypte (320 millions de dollars par an) ou la Tunisie (107 millions).

Pour impulser cette tendance, Rabat a conclu des accords commerciaux et tarifaires avec quinze pays, comprenant des dispositions parfois très intégrées, comme la convention de non-double imposition signée dès 2002 avec le Sénégal, souvent présenté comme l’un des pays pilotes de ce panafricanisme commercial. Gabon, Guinée équatoriale, Côte d’Ivoire, Mali, Nigeria, Gambie et, plus récemment, Cap-Vert comptent aussi parmi les partenaires privilégiés.

Un marché sérieux, crédible et solvable

Pour le moment, le Maroc recueille les fruits de sa politique d’ouverture en matière d’enseignement technique et supérieur. Ainsi, les quelque 10 000 étudiants subsahariens formés dans les facultés et écoles du royaume sont autant d’ambassadeurs et de témoins de la métamorphose du pays.

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Le virage technologique bien négocié par son économie dans les secteurs des télécoms, de la banque et de l’ingénierie dans son ensemble permet aux champions nationaux de proposer leur expérience et de prendre des participations stratégiques dans l’économie africaine de demain.

Très souvent associée au défrichage diplomatique de ces « nouvelles frontières commerciales », la Royal Air Maroc (RAM), en multipliant les liaisons intracontinentales, joue un rôle décisif au quotidien : inutile désormais de s’aventurer dans la jungle des aéroports européens pour relier Casablanca à Ouagadougou ou à Libreville.

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Quant au manque de liaisons terrestres, s’il reste le principal frein au décollage du commerce régional, il est aussi une chance pour les opérateurs marocains, qui disposent ainsi de solides arguments pour contribuer à la construction des futures infrastructures portuaires, ferroviaires et routières du continent. La route côtière qui relie désormais Nouakchott à Tanger en est une illustration, tout comme les imposantes réalisations de la Somagec en Guinée équatoriale.

Parmi les nouveaux créneaux où les Marocains sont convaincus d’avoir de solides cartes à jouer : le développement des infrastructures de tourisme. Le succès du plan Azur (stratégie nationale qui a permis de tripler le volume des visiteurs étrangers dans le royaume en moins de dix ans) devrait naturellement s’exporter vers d’autres destinations africaines à fort potentiel. Une prochaine visite royale au Cap-Vert, qui fait figure de dragon touristique en Afrique de l’Ouest, devrait donner un coup d’accélérateur à ces nouvelles opportunités.

Le continent du futur

Si la renaissance de la politique africaine du Maroc engagée par Mohammed VI il y a dix ans constituait les premiers pas d’une nouvelle stratégie d’expansion économique, depuis, l’intérêt du royaume pour le continent a été renforcé, avec pour objectif de trouver pour les investisseurs marocains des marchés alternatifs qui leur permettent de faire face à l’inaccessibilité du marché européen (en raison d’une politique tarifaire et douanière défavorable).

Aujourd’hui, dans un contexte international marqué par l’intensification de la concurrence sur les marchés du Nord, l’Afrique constitue pour les entreprises nationales une « niche » stratégique… qui promet de considérablement s’agrandir.

À cet égard, et si l’on considère le potentiel des marchés africains, force est de constater que le commerce entre le Maroc et les pays du sud du Sahara demeure encore très timide, même s’il commence à décoller et à être mieux organisé depuis cinq ans.

En comparant l’évolution de la demande d’importation de l’Afrique à l’offre d’exportation marocaine, et sachant que les exportations vers le sud du Sahara ne représentent encore qu’à peine 5 % des exportations du royaume, il est évident que d’importantes opportunités d’exportation et d’investissement existent. Pour qu’elles se concrétisent, il faut que les entreprises marocaines adoptent une stratégie d’adaptation aux marchés africains, notamment en tenant compte de la faiblesse du pouvoir d’achat des consommateurs. Il faut aussi qu’elles ne ratent pas le coche et ne se fassent pas souffler les marchés par d’autres…

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