Sida : RV144, le drôle de nom de l’espoir
Les résultats de l’essai mené récemment en Thaïlande ne déboucheront pas dans l’immédiat sur la mise au point d’un vaccin. Mais ils redonnent confiance à la communauté scientifique.
Les résultats détaillés de l’essai RV144 – la plus importante étude jamais réalisée sur un « candidat vaccin » antisida en phase III – ont été présentés lors de la conférence Aids Vaccine 2009, du 19 au 22 octobre à Paris. D’un strict point de vue scientifique, ils sont moins prometteurs que ce qu’avait laissé augurer leur diffusion partielle, le 24 septembre. Mais pour la recherche, que l’on croyait en panne, c’est un formidable espoir. Comme l’a souligné le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), « le rêve pourrait devenir réalité, et ne plus être seulement un rêve de scientifique ».
Combinaison
Le « candidat » en question est une combinaison de deux vaccins mis au point il y a une dizaine d’années : Alvac, fabriqué par Sanofi Pasteur, et Aidsvax B/E, fabriqué par VaxGen, le second renforçant l’action du premier. Ces deux vaccins ont été injectés à six mois d’intervalle, en Thaïlande, à 16 400 volontaires adultes séronégatifs. C’est ce qu’on appelle la technique de Primeboost. L’opération a permis d’obtenir une protection partielle. Dans le groupe ayant reçu le vaccin, 51 personnes ont été infectées par le VIH, contre 74 dans le groupe placebo. Le risque d’infection a donc été diminué de 31,2 %. Ces résultats a priori très encourageants avaient, dans un premier temps, suscité l’enthousiasme.
Las, lors de la Aids Vaccine, les organisateurs de l’étude – le ministère thaïlandais de la Santé, le programme de recherche sur le VIH de l’armée américaine, les Instituts nationaux de la santé (NIH) américains, Sanofi Pasteur et Global Solutions for Infectious Diseases – en ont sensiblement atténué la portée. Il est en effet apparu que la protection diminue régulièrement un an après l’injection. Par ailleurs, l’échantillon thaïlandais comportait une proportion de populations à risques inférieure à celle de la moyenne des autres essais. Les résultats sont donc difficilement comparables.
Reste que RV144 ouvre des pistes de recherche. Les personnes vaccinées et ultérieurement infectées présentaient, par exemple, une quantité de virus équivalente à celle des personnes infectées dans le groupe placebo. Cela tendrait à prouver que les mécanismes immunologiques luttant contre l’infection ne sont pas les mêmes que ceux qui luttent contre la réplication du virus dans l’organisme. Comme l’a souligné Michel Sidibé, directeur exécutif de l’Onusida, « ces résultats donnent raison aux milliers de chercheurs et de volontaires qui pensent qu’il est possible de mettre au point un vaccin sûr et efficace ».
Un bon millier de scientifiques avaient fait le déplacement de Paris. Et quelque quatre cents communications ont été présentées lors de la conférence. Un succès sans précédent qui est sans nul doute la conséquence des progrès réalisés récemment par les chercheurs. Le Pr Delfraissy confirme d’ailleurs que « le niveau de connaissance sur le virus, sa réplication et son interaction avec le système immunitaire s’est considérablement accru grâce à une approche multidisciplinaire et l’implication forte des acteurs nationaux et internationaux ».
De fait, l’engagement s’accentue, mais la recherche vaccinale nécessite d’énormes moyens qui risquent de faire défaut en ces temps de crise financière internationale. Directeur exécutif de l’Entreprise mondiale pour un vaccin contre le sida, qui regroupe diverses organisations travaillant dans le secteur, Alan Bernstein confirme que « c’est au moment où des découvertes et des progrès importants sont réalisés que les financements diminuent ». Dès le 20 juillet dernier, un rapport de l’Onusida déplorait une baisse des financements alloués à la recherche d’un vaccin. C’est la première fois depuis que ces derniers font l’objet d’un suivi. En 2008, près de 1,2 milliard de dollars (807 millions d’euros) ont été consacrés aux études concernant la prévention, dont 868 millions pour les vaccins. Soit 10 % de moins que l’année précédente.
De la variole à la polio
La mise au point d’un vaccin est pourtant primordiale pour enrayer l’épidémie. Les chercheurs le savent : seule l’immunisation a permis l’éradication de la variole, qui tuait naguère, en Europe, un million de personnes annuellement, ou de s’en approcher concernant la poliomyélite. Chaque année, la vaccination permet de sauver plus de 3 millions de vies et d’empêcher que 750 000 enfants soient frappés d’un handicap. Aujourd’hui encore, l’épidémie de sida touche 33,2 millions de personnes dans le monde, dont 22,5 millions au sud du Sahara.
Même si l’accès aux traitements a fait de remarquables progrès dans les pays du Sud – trois millions d’Africains disposent désormais d’antirétroviraux (ARV) –, il n’en reste pas moins que lorsque deux personnes sont mises sous ARV, cinq sont infectées par le virus. Trente candidats vaccins sont actuellement testés chez l’homme. Seuls trois d’entre eux ont atteint la dernière des trois phases, sans succès. Mais depuis l’essai du RV144, on sait avec certitude que la victoire est possible.
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