Ahmed Rashid : « Il est devenu paranoïaque ! »
Politologue pakistanais spécialiste du mouvement taliban (dernier ouvrage paru : Le Retour des talibans, éd. Delavilla, 2009), Ahmed Rashid analyse l’évolution du président Hamid Karzaï, son ami de trente ans.
JEUNE AFRIQUE : Le pouvoir a-t-il changé Hamid Karzaï ?
AHMED RASHID : Il est devenu paranoïaque et très égoïste. Il est incapable de voir ce qui se passe hors du palais, de comprendre les gens. Ce repli sur lui-même est très décevant. C’est un homme profondément bon, mais le fait d’être enfermé dans son palais depuis huit ans l’a changé – en mal.
Est-il un homme d’État ?
Il se méfie beaucoup de la démocratie et a toujours préféré gouverner comme son père gouvernait les tribus du sud de l’Afghanistan, il y a cinquante ans. Il s’est par exemple opposé à ce que des partis politiques soient représentés au Parlement. Et lui-même n’a pas créé de parti.
Je crains qu’au vu des péripéties de cette élection, il soit de plus en plus tenté de continuer à s’appuyer sur des assemblées tribales (jirgas et chouras), plutôt que sur des institutions démocratiques.
Comment expliquez-vous son attitude envers les États-Unis ?
Il soupçonne les Américains de comploter contre lui, d’avoir un plan secret pour la région. Toutes ces idées lui ont été soufflées par de mauvais conseillers, des fondamentalistes musulmans membres du Hezb-e-Islami.
Pourrait-il aller jusqu’à faire alliance avec les talibans ?
Jusqu’ici, sa politique de la main tendue n’a pas été fructueuse. Il ne peut la mener seul, mais il en meurt d’envie, et depuis longtemps.
Pourrait-il mieux réussir son second mandat que le premier ?
Ce compromis politique lui donne une seconde chance. Il devrait faire preuve d’humilité, reconnaître que des erreurs ont été commises. Et promettre aux Afghans qu’il va prendre un nouveau chemin.
En est-il capable ?
Bonne question [soupir]. Je ne sais vraiment pas, je l’espère.
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