Mauritanie : Aziz, la rédemption

Depuis son élection à la présidence, le 18 juillet dernier, l’ex-putschiste s’est refait une virginité aux yeux de la communauté internationale. Qui lui déroule désormais le tapis rouge.

Publié le 12 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Mohamed Ould Abdelaziz est devenu fréquentable. Embrassades et tapis rouge à l’aéroport du Bourget, défilé de patrons français dans les couloirs de son hôtel, entretien de quarante minutes avec Nicolas Sarkozy, point de presse pour dire haut et fort la confiance qui unit les deux hommes : le chef de l’État mauritanien et sa délégation ont été reçus avec tous les égards à l’occasion de leur visite de travail à Paris, du 26 au 28 octobre.

Il y a un an, la France était beaucoup moins chaleureuse avec les émissaires d’« Aziz ». Hommes d’affaires, parlementaires, membres du gouvernement ou de l’armée, ils débarquaient à Paris en catimini. Pour décrocher un rendez-vous avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Élysée, ils devaient passer par un intermédiaire, comme l’avocat Robert Bourgi. Et s’il avait lieu, l’entretien restait confidentiel. Quant à l’hôte de marque d’aujourd’hui, il était officiellement indésirable en France. Et a dû se faire très discret lors de son séjour de quarante-huit heures à Paris, en juin, pour un bilan médical.

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Bien sûr, les contacts de haut niveau n’ont jamais cessé. Pendant un an, le téléphone a fonctionné entre Aziz et Claude Guéant. Mais le téléphone seulement. Il n’était pas de bon ton d’être pris en photo à ses côtés. Depuis, il y a eu une élection présidentielle en Mauritanie, le 18 juillet. En l’emportant dès le premier tour face à neuf candidats avec 52,47 %, Mohamed Ould Abdelaziz s’est lavé de son forfait du 6 août 2008 – jour où il renversa le président démocratiquement élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi. « L’opinion a accepté les résultats, explique un diplomate européen. Il n’y a pas eu de grande manifestation, c’est un indicateur. Et les candidats de l’opposition ont participé au scrutin. » 

Normalisation tous azimuts

Paria menacé de sanctions par l’Union africaine (UA), sévèrement condamné par l’Élysée et le Quai d’Orsay, Aziz est désormais l’« ex-putschiste ». Mieux, le « président élu et légitime ». Le 5 août, le secrétaire d’État français à la Coopération, Alain Joyandet, assistait à son investiture. Et dînait chez lui le soir même dans une atmosphère chaleureuse autour de Najah (« succès », en arabe), la petite dernière d’Aziz, née six semaines plus tôt. Bref, la visite du président mauritanien à Paris vient officiellement entériner la normalisation des relations avec Nouakchott.

La France n’est pas la seule à avoir choisi cette voie. Le 27 juillet, l’ambassade des États-Unis relevait « un certain nombre d’irrégularités » dans le scrutin du 18 juillet, mais se disait « impatiente de travailler avec le président élu ». Passage à l’acte le 14 septembre avec un versement de 55 000 dollars destinés aux victimes d’inondations dans le sud de la Mauritanie. Le 25 octobre, l’ambassadeur américain Mark Boulware est reçu par Mohamed Ould Abdelaziz pour un entretien visant à relancer « les relations d’amitié entre les deux pays ». Le ton s’est adouci depuis l’époque où les États-Unis interdisaient leur sol à certains membres de la junte.

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Prompts à geler l’aide, certains bailleurs de fonds l’ont été tout autant à la rétablir. Fin septembre, Madani Tall, directeur des opérations de la Banque mondiale dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, se rend à Nouakchott. Le 1er octobre, il annonce la « reprise de la coopération » avec la Mauritanie. Un prêt de 16,5 millions de dollars est immédiatement décaissé. Il fait partie d’un portefeuille de prêts de 175 millions de dollars gelés après le putsch. Selon les projets identifiés, l’enveloppe sera progressivement débloquée. Idem du côté du Fonds monétaire international (FMI). En septembre, une petite équipe fait une tournée dans le pays. Une autre est attendue début décembre afin de mettre en place un programme de coopération sur trois ans. « Un dialogue s’est instauré avec le gouvernement », assure Ousmane Kane, le ministre mauritanien des Finances. Avec l’Union européenne (UE), le processus sera plus long. Après six mois de vaines discussions pour trouver un terrain d’entente, les Vingt-Sept avaient gelé leur aide le 6 avril, bloquant ainsi le décaissement de 156 millions d’euros de subventions prévu sur cinq ans (les dépenses de l’État en 2009 devraient avoisiner 590 millions d’euros). Début octobre, une délégation est venue examiner la situation politique, mais elle n’a pas encore rendu ses conclusions. Selon une source proche du dossier, elles « sont globalement positives ».

Reste à définir la forme que prendra la réconciliation : coopérer « comme avant » ou conditionner la reprise de la coopération à une nouvelle mission de l’UE, dans six mois ? Tout dépend de l’appréciation par les Vingt-Sept de certains critères, comme le respect de la Constitution ou le dialogue avec l’opposition. Procédures obligent, la décision ne sera connue qu’en décembre. 

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A quand le dialogue national ?

En Mauritanie, même l’opposition voit d’un bon œil la normalisation des relations diplomatiques. « Nous sommes favorables à tout ce qui peut aider notre pays », déclare Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces de progrès (UFP). Qui considère cependant que la situation intérieure, elle, ne s’est pas normalisée. Aux termes de l’accord de Dakar, qui a conduit à la tenue du scrutin, le dialogue politique devait se poursuivre après l’élection pour « renforcer la réconciliation nationale et la démocratie ». Or, pour Ould Maouloud, il n’y a pas l’ombre d’un dialogue avec Aziz aujourd’hui. Contestant les résultats de l’élection, certains candidats défaits ont réclamé la création d’une commission d’enquête. « Elle n’a toujours pas vu le jour », déplore-t-il. Et de préciser : « Nous ne voulons pas refaire les élections, mais seulement vérifier les procédures électorales. Faute de quoi de vieilles méthodes risquent de réapparaître qui rendront impossible l’alternance. Nous devons nous mettre autour d’une table pour en discuter. » La communauté internationale avait prévu qu’un comité de suivi supervise l’application de l’accord de Dakar. Sa dernière mission à Nouakchott remonte à la mi-septembre. « Un comité virtuel », pour Mohamed Ould Maouloud. 

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