Palestine : querelle suicidaire
Malgré la patiente médiation égyptienne, le Fatah et le Hamas n’ont toujours pas trouvé un terrain d’entente. Et risquent de condamner leur cause nationale à l’oubli.
L’interminable querelle entre le Fatah et le Hamas n’en finit pas d’empoisonner le Moyen-Orient et au-delà. Les ponts entre la Cisjordanie et la bande de Gaza semblent coupés. Bien qu’étant au plus mal – l’État hébreu occupe la première et soumet la seconde à un blocus –, les deux camps continuent de s’opposer comme s’ils ne savaient pas que leur brouille pouvait condamner leur cause nationale à l’oubli. Les principales victimes de cette querelle stupide sont les Palestiniens eux-mêmes. Mahmoud Abbas, chef du Fatah et président de l’Autorité palestinienne, est largement discrédité auprès des siens, notamment en raison de ses tergiversations à propos du rapport Goldstone sur les crimes de guerre commis lors de l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza.
Mais il y a d’autres victimes, comme l’Égypte, qui n’a pas ménagé ses efforts pour jouer les médiateurs. Après de longues négociations, elle a élaboré un document proposant la tenue d’élections générales palestiniennes le 28 juin 2010, l’unification des forces de sécurité, la mise sur pied d’un comité conjoint Fatah-Hamas chargé de gouverner les deux territoires… On a espéré que les deux parties signeraient le document la semaine dernière, ouvrant la voie à leur réconciliation, voire à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Mais ces espoirs ont encore une fois été déçus. Le document n’a pas été signé, le blason du Caire en a été terni, ainsi que la réputation de son chef des renseignements, Omar Souleimane, qui a conduit la médiation. Pis, les intérêts nationaux de l’Égypte se trouvent menacés. Coupé du monde par Israël, Gaza est en train de s’intégrer progressivement à l’économie égyptienne, sa survie dépendant de la contrebande via les centaines de tunnels transfrontaliers. Israël ne demande pas mieux que de se défausser de Gaza sur l’Égypte, qui ne redoute rien tant qu’une telle perspective. Car qui voudrait hériter d’une population d’un million et demi de personnes en colère, radicalisées par la privation et dont les neuf dixièmes vivent au-dessous du seuil de pauvreté ? Ne voulant pas porter la responsabilité de l’échec de la médiation égyptienne, Abbas a convoqué des élections pour le 24 janvier 2010. Mais le Hamas a aussitôt rejeté cette décision, qu’il juge illégale.
Autre victime de cette querelle, la stratégie du président des États-Unis au Moyen-Orient. Si les Palestiniens croient que Barack Obama peut leur donner un État pendant qu’ils se déchirent, alors ils se trompent lourdement. Sans un front palestinien et arabe uni, les chances de parvenir à un règlement pacifique sont très minces. Mais les États-Unis se sont aussi paralysés eux-mêmes en refusant tout contact avec le Hamas, qui figure toujours sur leur liste des « organisations terroristes ». Ce qui est contre toute logique, car le Hamas semble avoir abandonné la lutte armée, contrôle solidement Gaza et a déclaré à plusieurs interlocuteurs étrangers qu’il est prêt à accepter la solution de deux États. Le temps est donc venu pour les États-Unis d’engager le dialogue avec lui – comme ils l’ont fait avec l’Iran, le Soudan et la Syrie.
Pressions israéliennes ?
La rumeur cependant circule que sous les pressions israéliennes, l’Amérique, en la personne de son envoyé spécial pour le Moyen-Orient, George Mitchell, aurait même convaincu Mahmoud Abbas qu’il était prématuré de signer un accord avec le Hamas. Si ces rumeurs se révèlent fondées, l’administration Obama se sera tiré une balle dans le pied, et sa politique en faveur de la paix est vouée à l’échec.
Pendant ce temps, Israël poursuit sa politique de colonisation à Jérusalem et en Cisjordanie. Outre les 225 000 colons vivant dans les gros blocs d’implantations proches de la frontière de l’État hébreu, on dénombre déjà 75 000 nouveaux colons au-delà de la barrière de sécurité. En Israël, les ultranationalistes et les fanatiques religieux sont plus puissants que jamais, tandis que le camp de la paix semble avoir abdiqué.
L’impasse semble totale. Le blocus de Gaza continue, les États arabes sont passifs, Israël est inflexible, l’Europe est davantage préoccupée par ses problèmes d’élargissement. Et les grandes attentes qu’Obama a fait naître il y a quelques mois sont – lentement mais sûrement – en train de s’envoler.
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