Développement : la femme est l’avenir de l’homme

Publié le 9 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

« Aucun développement n’est possible sans la participation de la femme », lance le docteur Monique Rakotomalala aux ministres et experts africains chargés de la population réunis à Addis-Abeba, du 19 au 23 octobre. Directrice du Centre africain pour le genre et le développement social (CAGEDS) à la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA), Monique Rakotomalala a défendu bec et ongles la cause de la femme et de l’enfant au cours de cette conférence panafricaine sur la population et le développement qui a dressé le bilan – plutôt maigre – du plan d’action lancé au Caire, en 1994.

Pédiatre de métier, elle se bat pour toutes ces femmes qui meurent en couches ou qui endurent des heures de souffrance faute de césarienne. « J’avais la chair de poule », confie-t-elle aujourd’hui en parlant de son vécu à Niamey, Abidjan et ailleurs en Afrique. Aujourd’hui, près de sept cents femmes meurent chaque jour en couches et des milliers d’autres contractent des séquelles honteuses, comme la maladie de la fistule, qui les éloigne de leur mari, de leur famille et de leur communauté. Ces femmes parias – elles sont incontinentes et sentent mauvais de façon permanente – meurent ensuite d’une mort lente dans l’isolement le plus total, faute de soins. « L’opération de la fistule obstétrique coûte au moins 300 000 F CFA, une somme impossible à réunir quand on est une femme pauvre et délaissée », explique Claire Régina Quenum, présidente de Feddaf-Togo (Femmes, droit et développement en Afrique).

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« C’est un carnage. Et c’est la pire des injustices faites aux femmes. On ne peut plus faire de la croissance économique sans se soucier du social », martèle Monique, qui veut provoquer une prise de conscience chez les autorités politiques et sanitaires africaines. Il n’y a pas que le sida ou la malaria qui tuent. Le manque de soins pré- et postnatals tue des milliers de femmes et d’enfants. « Une mort évitable est une mort de trop », enchaîne François Farah, représentant du Fnuap (Fonds de l’ONU pour la population) à Addis-Abeba. On vaccine souvent les enfants, mais on s’occupe encore trop peu des femmes. Le ratio de mortalité maternelle en Afrique est de 700 pour 100 000 naissances, alors qu’il est proche de zéro dans les pays développés. Dans certains pays pauvres ou en conflit, le ratio varie en 1 000 et 2 000. Selon Mari Simonen, secrétaire générale adjointe de l’ONU, les pertes annuelles dues à la double mortalité maternelle et infantile en Afrique sont évaluées à 15 milliards de dollars. Chaque dollar investi dans le planning familial (éducation, procréation et santé de la femme) permet d’économiser plus tard 35 dollars dans les services de soins et d’aide sociale.

Jusqu’à présent, les décideurs politiques considéraient la population comme une « variable » dans l’équation économique. Plus la croissance démographique est faible, plus la croissance économique est forte. Ils s’occupaient très peu de la répartition des fruits de cette croissance et s’échinaient à limiter coûte que coûte le nombre de naissances. Or, derrière chaque naissance, il y a une femme. « Investir dans la femme, dans son éducation, dans sa santé, ajoute François Farah, c’est investir dans le développement harmonieux de la famille et donc dans celui du pays tout entier. Il s’agit là d’un véritable modèle de société. »

Tirant les conclusions d’une semaine de débats intenses, Abdoulie Janneh, secrétaire exécutif de la CEA, a tracé la ligne directrice pour les trois cents délégués représentant les gouvernements, la société civile et les organisations internationales : « Les problèmes de population sont des problèmes de personnes humaines et non pas seulement des problèmes de chiffres. Ils doivent être au cœur du développement économique et social. » La réunion d’Addis a appelé les États au « respect » de tous les engagements pris au Caire et les incite à « redoubler d’efforts pour les atteindre dès que possible ».

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