L’Afrique, c’est cadeau !
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 2 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.
Hospitalité et générosité sont bien des vertus africaines. L’Espagnol Alex Segura, ex-représentant du FMI au Sénégal, peut en témoigner. Après les hypothèses les plus farfelues échafaudées dès la révélation de l’affaire, on sait aujourd’hui ce qui s’est réellement passé. Segura s’est vu remettre, lors du dîner donné à l’occasion de son départ, le 25 septembre au palais présidentiel, un joli cadeau d’adieu : 133 000 euros (100 000 euros plus 50 000 dollars). Coquette somme, me direz-vous. Abdoulaye Wade a reconnu l’erreur : montant trop élevé.
En cause, officiellement, son aide de camp, qui se serait trompé sur l’obole à prélever dans la cassette présidentielle. Ce dernier, le colonel Cissokho, jouit apparemment d’une grande latitude… « Monsieur Segura n’était pas l’ami du Sénégal. Il a été le plus souvent dur dans ses appréciations. Il n’y avait pas de raison de lui offrir un cadeau important. Mais selon nos traditions, lorsque quelqu’un qui est resté longtemps chez nous nous quitte, on lui offre un cadeau, soit en nature soit en modeste somme d’argent pour lui permettre d’acheter lui-même ses souvenirs pour sa famille », a expliqué Abdoulaye Wade. Reste qu’outre le montant alloué, évidemment, la bourde concerne le récipiendaire du présent, un membre du FMI, institution censée, entre autres, surveiller l’utilisation des deniers publics. Mauvais casting.
Sur le continent, la pratique des enveloppes plus ou moins garnies est… monnaie courante. Wade a raison, c’est une tradition. Un chef qui ne donne pas, qui ne redistribue pas, n’est pas un vrai chef. Pour ne pas passer pour pingre, et pour ne pas se retrouver rapidement isolé, voire renversé, il faut régaler ses hôtes, ses amis, ses concitoyens, bref ceux dont on peut avoir besoin. Mais il convient aussi de les sélectionner avec soin pour ne pas commettre d’impair, comme avec Segura. Même si les parangons de vertu ne sont pas légion, un chef (d’État, d’entreprise, de village, etc.) comprend par ailleurs très mal qu’on refuse un présent. Cela ne se fait pas, c’est même vexant.
Cette pratique revêt cependant diverses formes. En Afrique subsaharienne, on opte pour le numéraire, les billets multicolores (euros) ou verts (dollars), voire les diamants. Au Maghreb, on fait preuve de plus de raffinement. Le cash, ça fait vulgaire. On préfère les objets, de grande valeur certes, mais tellement plus subtils et personnels…
Reconnaissons toutefois que les temps changent. Les enveloppes (ou les mallettes) représentent les derniers feux d’une tradition voyante donc visible, profondément ancrée dans les mœurs. C’est l’apanage des vieux chefs, aujourd’hui plus près de la fin que du début. Les « jeunes loups » procèdent différemment et récompensent leurs hôtes de manière disons… plus sophistiquée. Vive le progrès ? Cela évitera en tout cas à certains des sueurs froides avant de passer devant les douaniers des aéroports européens…
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