La Française du développement

Fawzia Zouria

Publié le 19 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

J’ai ouï dire qu’on a trouvé il y a quelques semaines, en France, une solution géniale pour aider les Africains à remporter le pari du développement. Fini de tailler dans le budget national et de délester le pays de 0,38 % de son PIB, de s’embêter à créer des fonds et des « caisses-tête » en tout genre, de tirer les oreilles aux responsables du FMI et à d’autres organismes… Pour venir à bout de toutes les misères du continent sans s’arracher les cheveux – travailler en s’amusant, en quelque sorte –, il suffirait de lancer un grand jeu de loterie au profit des Africains, a suggéré en substance Alain Joyandet, le secrétaire d’État français à la Coopération.

Une partie de l’argent misé pourrait aller aux ONG, qui l’utiliseraient pour booster l’économie du continent. Il y a eu le commerce équitable, nous aurons le jeu équitable. Il y avait le personnel sérieux des organisations humanitaires, transpirant dans la brousse et s’efforçant à ses risques et périls de travailler sur le terrain, il y aura désormais le parieur tranquille qui, du coin d’un bureau de tabac parisien, se contentera de gratter un ticket pour faire bouillir la marmite d’un pauvre Africain… Et dire qu’on a mis des décennies pour trouver ça !

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De fait, je ne sais pas ce que vous pensez de la chose. Ludique certes, mais philosophiquement irrecevable, non ? Personnellement, qu’on lie la misère au jeu, la vertu au vice, et qu’on remplace la volonté politique par le hasard de la loterie, ça me gêne. Et puis, quel cas ferait-on de l’Afrique en y concédant uniquement ce que la Providence daignerait bien lui concéder, c’est-à-dire en pratiquant la coopération sur un mode aléatoire ? Le continent mérite mieux qu’une « charité des restes » fondée sur des jeux de société. Cela dit, certains ne feront pas la fine bouche et diront qu’une dose de hasard peut dédramatiser l’aide au continent… pour qu’elle devienne un vrai jeu d’enfant !

Quant à moi, je me contenterai de vous raconter la dernière histoire que j’ai entendue dans mon village. L’un de mes voisins du bled, donc, est rentré récemment après des années d’exil en France avec, à la main, un seul bagage : un attaché-case noir. Lequel n’a pas tardé à provoquer la curiosité de toute la tribu. Ayant trouvé étonnant, voire impossible que l’on revienne de l’eldorado européen avec si peu de biens, on en a conclu, là-bas, que le cartable en similicuir contenait sans doute un vrai trésor en gros billets, voire en pièces d’or, fruit de nombreuses années de labeur chez les Francs.

Ce fut donc une véritable bouffée de curiosité générale envers l’objet dont l’ex-émigré refusait obstinément de révéler le contenu. Un jour qu’il s’était endormi, quelques cousins bien malins s’emparèrent de la chose et l’ouvrirent. Que découvrirent-ils ? Des liasses et des liasses… de feuilles de loto ! Je vous jure que c’est vrai ! Comme quoi, avant les Français, il y avait déjà des Africains qui s’essayaient au petit jeu d’aider les leurs. Tout en n’engraissant, en réalité, que la Française des jeux…

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