Briseurs de tabous
À l’instar de Nour-Eddine Lakhmari, dont le film Casanegra sort en France, de nouveaux réalisateurs, désinhibés, rencontrent le succès au Maroc.
Le 21 octobre, le public français aura enfin la chance de découvrir dans ses salles obscures le film événement de l’année 2008 au Maroc, Casanegra, de Nour-Eddine Lakhmari. Avec plus de 300 000 spectateurs, ce film a battu tous les records et attiré un public de tous âges et de toutes classes sociales, fait rare dans le royaume. Encensé par les médias, récompensé lors du festival de Dubaï, le film, qui a coûté plus de 13 millions de dirhams (1,15 million d’euros), est même pressenti pour représenter le Maroc aux oscars 2010.
Le cinéma marocain n’en est pas à son premier succès. En 2006, Marock de Leïla Marrakchi (127 000 entrées), puis, en 2007, Les Anges de Satan d’Ahmed Boulane se sont classés en tête du box-office national. Entourés d’un parfum de scandale, ces films sont l’œuvre d’une nouvelle génération de réalisateurs, plus désinhibés et plus modernes que leurs prédécesseurs, ce qui leur vaut la réputation de « briseurs de tabous ».
PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ
C’est d’ailleurs le tabou suprême, celui de la religion, qu’abordait la réalisatrice de Marock, en racontant l’histoire d’amour entre une jeune musulmane et un juif des quartiers chics de Casablanca. Ahmed Boulane s’est, quant à lui, inspiré d’une histoire vraie, celle d’un groupe de rock arrêté pour satanisme après avoir critiqué l’arbitraire policier et le puritanisme de la société marocaine. Pour l’hebdomadaire Tel Quel, Casanegra est lui aussi en passe de devenir un phénomène de société. Au travers d’une histoire d’amitié entre Karim et Adil, deux jeunes chômeurs qui errent dans les rues de Casa à la recherche d’argent pour quitter le pays, Nour-Eddine Lakhmari met brillamment en scène les bas-fonds de la métropole économique du Maroc. Le réalisme du film, les scènes très crues de sexe, de violence ou d’ivresse ont fait dire à Abdellah Benkirane, chef du Parti de la justice et du développement, que le film était un appel à « la débauche et à la sionisation [sic] ».
Si le cinéma marocain commence à concurrencer les productions égyptiennes et indiennes, très prisées du public, c’est parce qu’il parle du quotidien et aborde les problèmes de société. « Mon film est un miroir de la société marocaine, répète Nour-Eddine Lakhmari. Je montre le Maroc tel qu’il est, non tel qu’on veut nous faire croire qu’il est. » Ces dernières années, les réalisateurs marocains ont repris à leur compte la loi de la proximité, qui veut que le public s’intéresse d’abord à ce qui est proche de lui. Et ça marche puisque, en 2008, le film Les Jardins de Samira, de Latif Lahlou, qui parle d’impuissance sexuelle et d’adultère, a réalisé un meilleur nombre d’entrées que le dernier opus d’Indiana Jones.
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