Le Bourguiba de l’Algérie
Au mois de décembre 1957, le général Mohammed Bellounis est au faîte de sa gloire. Il a même profité de la disparition d’Alger du FLN pour y faire parler de lui : ses partisans y distribuent des tracts et des photos d’unités de l’Anpa. […] Sa stratégie ne manque pas de subtilité. Il ne prétend pas rejeter le colonisateur à la mer ; il veut s’appuyer sur lui pour vaincre l’ennemi commun. Après cela, il sera en position de force pour négocier un statut de large autonomie qui fera de lui le Bourguiba de l’Algérie. […]
Le chef de guerre ne présume-t-il pas de ses qualités et de ses forces en se comparant au « Combattant suprême », à l’égard duquel, au demeurant, il témoigne peu d’estime ? Bien sûr que si ; l’histoire le montrera bientôt. Mais, jusqu’à présent, ce sont ses adversaires des deux bords qui l’ont sous-estimé. Or il a fait battre en retraite les moudjahidines de l’ALN et entortillé les autorités françaises dans une situation qui les contraint à la fuite en avant.
De son minable palais de Dar-Chioukh, sur lequel flotte le drapeau vert et blanc, le commandant en chef de l’Anpa règne en souverain sur des troupes obéissantes et bien équipées […] ainsi que sur une population apeurée. Il perçoit pour la première fois la subvention [des Français], finalement arrêtée à 47 millions de francs par mois et sur laquelle sera prélevée une aide aux djounoud nécessiteux (les trois quarts sont considérés dans cette situation) de 1 000 francs par personne à charge. Son impressionnante flotte de véhicules […] est immatriculée du sigle « Anpa » suivi d’un numéro. Il reçoit des personnalités civiles et militaires. Il traite d’égal à égal avec le ministre de l’Algérie et le commandant en chef, du moins avec leurs délégués.
Le 4 décembre, alors que Le Monde titre : « Bellounis veut libérer l’Algérie de la “cruelle domination du FLN” », le chef de l’Anpa donne une interview à Radio Alger. « J’ai toujours pensé et je continue à penser que l’Algérie doit être indiscutablement liée à la France », proclame-t-il. Puis il évoque le statut de l’Algérie après le retour de la paix : « Les formules qui pourront être envisagées pourront aller de l’autonomie interne, dans laquelle la souveraineté de la France sera respectée, jusqu’à l’intégration pure et simple de l’Algérie à la France. »
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