Du français à l’arabe dialectal
Bande dessinée: oublier Tintin
Le fait est peu connu, mais il existe depuis les années 1940 une tradition de la bande dessinée dans le monde arabe. C’est en Égypte qu’apparaissent les premiers illustrés originaux en langue arabe, comme les publications pour enfants Al-Katkut ou Bulbul, ainsi que des bandes dessinées étrangères traduites de l’américain ou du français (Tintin, Superman et Batman). À partir des années 1950, des Syriens et des Libanais, mais aussi des Irakiens, lancent des comics à la sauce arabe, avec des supers-héros qui ressemblent à l’homme de la rue. C’est le cas des revues Usamah, Samir et Majallaty, toutes imprégnées d’idéologie socialiste.
Il faudra attendre les années 1970 pour que la Tunisie mais surtout l’Algérie se distinguent par des créations au ton incisif, avec une coloration sociale et politique marquée. Mais, contrairement à leurs voisins orientaux, les auteurs maghrébins écrivent très majoritairement en français. De M’quidech, BD algérienne mythique créée en 1969 par Georges Abranche Texeira (dit Kapitia) et Lamine Merbah, au très politique Poulet au pied, du Tunisien Habib Bouhaoual, c’est la langue de Molière qui s’impose. Une réalité qui s’explique par le contexte linguistique : la langue parlée dite « dialectale » se distingue de l’écrit (l’arabe littéraire), plus figé et moins expressif. La BD, plus que tout autre genre littéraire, doit donc faire revivre la langue de la rue. Raison pour laquelle la nouvelle génération d’auteurs, à l’instar du collectif Bédo au Maroc, privilégie un nouvel alphabet, fait de lettres latines et de chiffres, pour permettre à leurs personnages de parler « comme dans la vie », selon un subtil mélange d’arabe dialectal et de français.
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