Amère Afrique du Sud
Bande dessinée: oublier Tintin
Étonnante particularité de l’Afrique du Sud : dans les librairies, il n’est pas rare de voir des comics américains, des classiques franco-belges et parfois des mangas japonais traduits en anglais et en afrikaans. Mais on ne trouve, à de rares exceptions près (comme la célèbre série humoristique Madam & Eve, de Stephen Francis et Rico Schacherl), aucune bande dessinée sud-africaine. Pourtant, depuis le début des années 1990, un courant alternatif se développe avec des auteurs (afrikaners) qui se rapprochent par leur démarche formelle de la bande dessinée d’auteur à l’européenne ou du roman graphique à l’anglo-saxonne, tout en gardant des centres d’intérêt très sud-africains. Et qui aiment mettre le doigt là où ça fait mal.
Ceux qui poussent le plus loin ce côté subversif sont les artistes de Bitterkomix. Une revue créée en 1992 au lendemain de l’apartheid par Conrad Botes et Anton Kannemeyer, et dont chaque numéro constitue un véritable petit cocktail molotov : sexe, drogue, politique, religion, racisme…
Mais la portée de Bitterkomix – ou d’autres revues du même genre, telle que Mamba Comix – reste marginale. Éditée à seulement un millier d’exemplaires et mal diffusée, elle a néanmoins permis à ses auteurs d’acquérir la reconnaissance des milieux artistiques et de trouver des éditeurs à l’étranger (en France, L’Association notamment, qui publie le 21 octobre Dungeon Quest, de Joe Daly, l’une des signatures de Bitterkomix).
Presque aucun d’entre eux n’a été à ce jour édité en album dans leur pays. Dommage, car les travers de la société sud-africaine qu’ils dénoncent avec acuité depuis plus de dix ans n’ont rien perdu de leur actualité.
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