Le mirage du grand bond en avant

L’accord de 7 milliards de dollars que la junte vient de signer avec les Chinois ressemble à une mauvaise blague.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 20 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

La junte au pouvoir en Guinée croit avoir trouvé une réponse pour sauver la face et durer. D’après le ministre des Mines Mohamed Thiam, elle a signé le 10 octobre, à Conakry, un pacte d’actionnariat avec le China International Fund (CIF), une entreprise à capitaux chinois basée à Hong Kong. Objectif : créer un joint-venture, African Development Corporation (ADC), détenu à 25 % par l’État guinéen et 75 % par le CIF, pour « rattraper le temps perdu », selon Mohamed Thiam, qui a fait une carrière de banquier aux États-Unis, chez UBS et Merrill Lynch.

ADC comptera cinq filiales, consacrées à des secteurs vitaux en lambeaux : mines, infrastructures, eau et énergie, logistique et commerce, transport aérien. Au partenaire chinois de les revitaliser : un « métro de surface » et des habitations à loyer modéré sont prévus à Conakry ; une compagnie aérienne, Air Guinée International, verra le jour « en décembre 2009, les appareils devant arriver en novembre », précise Mohamed Thiam.

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Au total, les travaux réalisés et financés par la partie chinoise varieront entre 7 et 9 milliards de dollars, à l’exclusion du volet minier. Ce dernier sera géré à part par une Société nationale minière guinéenne, créée pour l’occasion, et par la partie chinoise qui, grâce à l’exploitation de la bauxite, de l’or, du diamant, de l’uranium ou du fer, se remboursera.

Aux mines, il faut ajouter le pétrole. Un protocole d’accord de prospection a également été signé avec le CIF, présent en Angola, et la Sonangol, la compagnie d’État angolaise. Le consortium aura les droits exclusifs pour prospecter, exploiter ou vendre 64 % de la surface offshore que le texan Hyperdynamics doit restituer à l’État guinéen à la fin de l’année.

Levée de boucliers

Démesurées en regard des réalités guinéennes, les promesses de l’accord chinois laissent certains observateurs incrédules. « Comment pouvez-vous croire que nous puissions injecter autant d’argent dans l’économie guinéenne alors que le PIB du pays n’est que de 3 milliards de dollars ? conteste Sidya Touré, l’ancien Premier ministre et leader de l’opposition. Nous ne pourrons maintenir ces infrastructures. Où sont les voitures qui utiliseront ces autoroutes ? Où sont les trains ? Tout ceci n’est qu’illusion. »

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L’accord ressemble aux contrats, contestés, signés par l’Angola et la RD Congo où l’exploitation des mines a été octroyée en échange de projets d’infrastructures. Mohamed Thiam promet d’éviter les mêmes erreurs. Mais le partenariat pourrait surtout renforcer durablement la junte au pouvoir et donner des arguments à ceux qui doutent de la volonté de la Chine de lutter contre les États-voyous. Le régime militaire se donne les moyens de faire face aux sanctions des Occidentaux et de l’Union africaine en réponse au massacre, le 28 septembre, par l’armée de plus de 150 manifestants de l’opposition et à la probable candidature du chef de la junte Dadis Camara à la présidentielle de janvier 2010. Précisant qu’il était justement à Hongkong le 28 septembre, Mohamed Thiam se justifie : « La situation malheureuse est venue se surimposer aux négociations. On travaillait dessus depuis cinq mois, l’impact du projet est tellement fort, on ne pouvait pas suspendre les négociations. » D’après Mamadi Kallo, secrétaire d’État aux Travaux publics, cité par le New York Times, les investisseurs chinois « sont venus bien avant la mort de l’ancien président », en décembre 2008.

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