Pedro Pires
À 75 ans, le président du Cap-Vert promet de se retirer au terme de son second quinquennat. Il laissera à son successeur les commandes d’une petite île prospère.
Jeune Afrique : Dans l’index Mo Ibrahim 2009, votre pays est cité comme un modèle de réussite économique et de bonne gouvernance. Il a même quitté la catégorie des pays moins avancés. Pourtant, vous n’avez presque pas de ressources. Quel est votre secret ?
Pedro Pires : Franchement, il n’y a pas de miracle. C’est le fruit des efforts de la société cap-verdienne dans son ensemble. Une partie de notre population vit chez nous et une bonne partie à l’extérieur. Nos compatriotes qui habitent à l’étranger ont gardé des liens très étroits avec le pays. Grâce à ces deux composantes, nous avons pu progresser et atteindre nos objectifs. Nous avons également essayé de bien gérer nos ressources propres et celles qui nous viennent de la coopération internationale. Le secret, s’il y en a un, c’est peut-être le fait que nous avons eu confiance en nous-mêmes.
Allez-vous vraiment quitter le pouvoir en 2011, au terme de votre second mandat ?
C’est la loi qui l’exige.
Ne serez-vous pas tenté de la modifier pour rester encore quelques années au pouvoir ?
Non, je n’ai pas cette prétention. La loi est au-dessus de tout. C’est l’encadrement de notre vie. Il faut donner aux gens la possibilité d’avoir confiance en vous, de croire en votre parole. C’est un facteur psychologique très important en politique. On ne doit pas changer en pleine course. Mais cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de situation où il faille modifier une Constitution. Qu’il s’agisse de la révision des mandats ou d’autre chose. Mais, dans mon cas, vous savez, je suis là depuis longtemps. J’ai décidé d’arrêter.
Pour faire quoi après ?
Je vais me consacrer à une longue réflexion sur mon parcours et laisser en héritage ma vision du monde et de la lutte que nous avons menée pour notre liberté. J’ai une nouvelle mission pour moi-même.
Vous allez donc écrire vos Mémoires ?
Oui. Écrire, laisser une trace. Et expliquer les motivations qui m’ont poussé dans cette direction.
Ceux qui s’accrochent au pouvoir n’ont-ils pas peur de partir parce qu’ils ont beaucoup à se reprocher ?
Si ce que vous dites est vrai, il faudra alors penser à un statut particulier pour les anciens chefs d’État, avec toutes les garanties financières, juridiques et politiques. C’est un vieux débat.
Pour des raisons historiques, la Guinée-Bissau est particulièrement proche du Cap-Vert. Comment expliquez-vous l’instabilité chronique qui a caractérisé ce pays ?
C’est la conséquence d’une mauvaise gestion de l’héritage de la lutte de libération nationale. L’erreur fondamentale fut de n’avoir pas rendu les institutions aux civils. Il ne fallait pas faire de l’armée le principal soutien du pouvoir. La transition du militaire au civil n’a pas été réalisée dans les meilleures conditions. La Guinée-Bissau en subit les conséquences. Il est temps que l’armée retourne dans les casernes et que le vrai pouvoir soit dans les institutions élues : le président de la République, l’Assemblée nationale, le gouvernement.
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