Guinée : la junte dans le collimateur de la CPI
L’étau se resserre autour du chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte qui s’est emparée du pouvoir en Guinée le 23 décembre 2008. Le 14 octobre dernier, Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a rendu publique l’ouverture d’un « examen préliminaire ». En clair, d’une procédure sur la tragédie du 28 septembre, qui a fait officiellement plus de 150 morts et de 2 000 blessés, sans parler des viols à grande échelle.
Ayant collecté des preuves sonores et visuelles du drame et recueilli des témoignages, Moreno-Ocampo doit, dans cette première phase d’analyse, répondre à quatre questions : les faits sont-ils avérés ? Constituent-ils des crimes au regard du statut de la CPI ? Qui sont leurs auteurs et leurs instigateurs ? Quelles sont les preuves ?
« Cette étape ira vite, indique une source proche de la Cour. Les preuves existent et ont été recoupées. Les témoignages sont concordants. Reste à protéger les témoins déjà identifiés. » La constitution du dossier est d’autant plus rapide que les faits, qui se sont déroulés en plein jour dans un stade, ont laissé de nombreuses traces.
Un pool d’avocats africains et européens dirigé par un ténor du barreau parisien a centralisé nombre de témoignages de victimes et d’éléments filmés, qu’il va mettre à la disposition de la Cour. Comme d’autres, qui avaient ramené des vidéos amateurs du stade, l’ont fait ou vont le faire.
Le procureur se posera ensuite ces deux questions : la Guinée a-t-elle la capacité de juger les actes commis ? A-t-elle la volonté de les sanctionner ? S’il répond par la négative à une seule de ces questions, il passera à la phase d’inculpation des criminels présumés, qui se traduit par l’émission de mandats d’arrêt internationaux.
Dans un passé récent, la CPI s’est saisie du cas Jean-Pierre Bemba en estimant que la RD Congo et la Centrafrique n’avaient pas la capacité de le juger. De même pour l’Ouganda à l’égard du seigneur de la guerre Joseph Kony, chef d’une rébellion aux méthodes brutales et sanguinaires. Elle a inculpé Omar el-Béchir, le chef de l’État soudanais, en déclarant que le Soudan avait la capacité mais non la volonté de le poursuivre. « Dans le cas présent, indique la source citée plus haut, il est facile de démontrer que la Guinée n’a ni la capacité ni la volonté de juger les dirigeants de la junte. » Moreno-Ocampo va donc le faire à sa place, avec le soutien unanime de la communauté internationale.
Au vu des premiers éléments qu’il détient, le procureur a dans son viseur Dadis lui-même, son aide de camp Aboubacar « Toumba » Diakité, son ministre Moussa Tiégboro Camara, son attaché personnel et neveu Siba Théodore Kourouma, et un certain « lieutenant Mokambo ». Cinq civils de l’entourage du chef de la junte sont également dans la ligne de mire. Ils seront poursuivis au même titre que toute autre personne dont la participation au massacre aura été établie. Pour celui qui avait pris le pouvoir en promettant une transition en douceur vers la démocratie, l’avenir s’annonce sous des auspices à tout le moins agités.
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