Sénégal-FMI : petits cadeaux entre amis…

Christophe Boisbouvier

Publié le 19 octobre 2009 Lecture : 3 minutes.

Évidemment, ce n’est pas la première fois qu’un diplomate ou un fonctionnaire international reçoit une mallette à la fin d’une mission. Mais, d’habitude, personne n’en sait rien. Soit il refuse sur le thème : « C’est très aimable à vous, mais je n’ai pas le droit d’accepter. Pensez à vos bonnes œuvres… » Soit il accepte et part avec l’argent, ni vu ni connu.

Pourtant, le 25 septembre à Dakar, tout déraille. Ce jour-là, le représentant du Fonds monétaire international (FMI), l’Espagnol Alex Segura, achève une mission de trois ans au Sénégal. Pour l’occasion, Abdoulaye Wade l’invite à dîner au palais présidentiel. Quelques heures plus tard, il prend l’avion pour l’Europe avec une valise pleine de billets. Le lendemain, à son arrivée à Barcelone après un transit à Paris, il contacte le bureau d’éthique du FMI, qui lui demande de rendre l’argent au plus vite. Il remet alors la précieuse mallette à l’ambassadeur du Sénégal à Madrid.

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Pendant deux semaines, rien ne se passe. Mais le 9 octobre, l’affaire sort dans la presse sénégalaise. Aussitôt, c’est le tollé. À Dakar, l’embarras est manifeste. Le ministre de la Communication dément : « Le gouvernement n’est impliqué ni de près ni de loin dans cette affaire. » Mais à Washington, le FMI confirme : « Le cadeau monétaire a été rendu aux autorités sénégalaises. » Le Fonds parle d’une somme « substantielle ». La presse sénégalaise évoque un montant – passablement exhorbitant – de 500 millions de F CFA (762 000 euros) ! Invérifiable. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’Alex Segura a d’abord accepté le cadeau, avant de se raviser. Et bien entendu, c’est là que le bât blesse…

Maladresse, étourderie ?

Pour sa défense, le fonctionnaire international affirme qu’il a été piégé. En public, il ne dit rien, mais en privé, il livre une version cohérente des faits. Selon son récit, la mallette lui a été remise au palais avec un cadenas à code. Il n’a donc pas pu l’ouvrir immédiatement. Dans le véhicule qui l’emmenait à l’aéroport, il a composé le code de base : quatre zéros. Bingo. Il s’est alors interrogé. Faut-il laisser la valise au salon d’honneur de l’aéroport ? Selon une bonne source, il a eu peur du scandale. Il a donc décidé d’embarquer avec son colis et de régler tout cela discrètement à son arrivée à Barcelone.

Ce récit tient debout… à un détail près. Pourquoi Segura a-t-il accepté de prendre cette valise ? Pourquoi, au moment où un homme du Palais lui a tendu l’objet, a-t-il « oublié » la règle de base de tout fonctionnaire international : jamais de cadeau en mission ? C’est la question clé. Et c’est sans doute la raison pour laquelle Washington communique très peu, et l’intéressé pas du tout.

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À partir de là, deux hypothèses. Soit Segura a commis une énorme étourderie – prendre la mallette – doublée d’une grosse maladresse – ne pas la rendre dans l’heure qui suit ; soit il s’est laissé tenter, s’est fait repérer lors d’un contrôle à Paris ou à Barcelone sans être arrêté – il était muni d’un passeport diplomatique, et a renvoyé le colis encombrant.

Reste la question de l’identité du corrupteur. Pourquoi la présidence sénégalaise, qui, il convient de le rappeler, nie être à l’origine de la remise de la valise, aurait-elle « cadeauté » Segura ? Pour discréditer un représentant du FMI qui s’était montré intraitable sur les dérives budgétaires de l’État ? « Non, c’est un jeu trop dangereux. Wade ne peut pas prendre le risque de se mettre à dos le FMI », affirme un familier du Palais. « Le président aura voulu faire coup double : avoir un bon rapport de fin de mission et un allié à Washington. » Le coup est raté, et le Sénégal en sort pour le moins éclaboussé. On attend avec impatience les résultats de l’enquête diligentée par le FMI…

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