Cameroun-Liban : la fin d’une époque

La disparition du patriarche Saleh Azar laisse Hajal Massad (88 ans) seul en première ligne. Les deux hommes ont toujours appliqué la même recette : business et discrétion.

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Publié le 13 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

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Les Libanais d’Afrique

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Arrivé de son Liban natal en juin 1952, Saleh Azar, jeune maronite en quête d’aventures, foule une terre inconnue : le Cameroun n’est encore qu’un lointain territoire d’Afrique centrale sous tutelle française. L’Afrique n’est certes pas aussi éloignée que l’Amérique, dont toute la jeunesse libanaise de l’époque rêve. Mais, vue du Liban, c’est déjà le bout du monde… Et comment ne pas se laisser tenter par l’appel du large quand, dans ses lettres, un oncle travaillant comme agriculteur au Cameroun décrit un pays de cocagne ? Le jeune homme prend l’avion pour Yaoundé. Il n’en repartira plus. Saleh Azar est décédé le 31 août dernier et a été inhumé dans la capitale camerounaise, où il aura vécu et travaillé pendant cinquante-sept ans. D’abord agriculteur, il se reconvertit en exportateur de cacao puis en vendeur de matelas, avant de racheter Le Marseillais, un restaurant qui va devenir l’une des tables les plus réputées de la ville.

Sa fille Élise, belle métisse issue d’une union avec une Camerounaise, épouse un des neveux du chef de l’État. Les portes du Palais s’ouvrent pour la fille de l’ancien vendeur de matelas qui va y convier des amies. En 1994, l’une d’elles, Chantal Vigouroux, rencontre puis épouse le président Paul Biya. La suite de l’histoire n’a rien du conte de fées. Élise décède brutalement à la suite d’un accident de la circulation en septembre 1996. Chaque année, le Yaoundé Élise Azar Athletics International Meeting (Yelaim) honore sa mémoire.

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La disparition de Saleh Azar, figure de la première génération d’immigrants libanais, laisse le « vieux » Hajal Massad, 88 ans, consul honoraire du Liban au Cameroun, seul en première ligne. Il est l’âme d’une génération qui tient à préserver une ligne de conduite qui n’a jamais varié. Il s’agissait de donner des gages d’intégration, d’éviter tout engagement politique, tout en nouant des relations privilégiées avec les pouvoirs, de fuir les domaines d’activité en concurrence frontale avec les nationaux, d’acheter des terres afin de montrer qu’on s’établissait pour longtemps, etc.

Jusqu’à ce jour, la formule a permis aux quelque 3 000 Libanais de se fondre dans le paysage. Les familles Omaïs (transport), Khoury (bois), Fadi (transport) emploient plusieurs centaines de personnes sans grand bruit. Néanmoins, certains se sont retrouvés au cœur d’affaires, se démarquant ainsi de la légendaire discrétion des anciens. Cela a été le cas pour Nassar Bouhadir, patron libanais de la société forestière Petra, opposé au ministre de l’Environnement, Sylvestre Naah Ondoua, dans l’affaire du « sanctuaire à gorille de Mengame ». Selon plusieurs chroniqueurs politiques, l’homme d’affaires serait directement à l’origine du limogeage de ce membre du gouvernement en 2002. Il en est de même de la famille Hazim, propriétaire de la quatrième compagnie forestière du pays épinglée par l’ONG Global Witness et poursuivie par l’État camerounais sur des soupçons d’exploitation illégale de la forêt.

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