Trop belle pour nous
Mme N… est professeure de droit constitutionnel à l’université Érasme de Rotterdam. Elle se réjouit, me dit-elle, d’avoir de plus en plus d’étudiants issus de l’immigration et, surtout, d’avoir enfin des garçons : au cours des vingt dernières années, ce sont surtout les filles qui se sont battues pour accéder aux bancs de la fac. Elle est contente d’avoir plusieurs jeunes Maghrébins venus s’instruire des subtilités du droit romain et de la common law anglaise. Et puis elle a été confrontée à un petit problème qui l’a plongée dans la plus grande perplexité.
Le problème, le voici : un jour, un petit groupe d’étudiants maghrébins est venu se plaindre, réclamant que Mme N… se sépare d’une de ses assistantes, de celles qui assurent les travaux dirigés et les cours les moins importants. Et pourquoi fallait-il licencier Miss Olga (c’est, bien sûr, un pseudonyme) ? Accrochez-vous à vos accoudoirs, amis lecteurs : parce qu’Olga est trop belle.
Compétente, elle l’est. Sympathique ? Plus que de raison. Ponctuelle ? Un coucou suisse. La pédagogie, la didactique, l’articulation des consonnes et des voyelles ? Oui, oui et oui. Mais elle est trop belle.
Au début, la prof de droit constit’ crut que c’était une blague, que c’était une forme de galanterie exotique. Pas du tout : les râleurs assurèrent qu’il était impossible de se concentrer avec une telle merveille (blonde, ajoutèrent-ils avec indignation), lorsqu’elle se juchait sur le bureau et croisait les jambes ; ou lorsqu’elle se penchait sur vous, les cheveux tombant comme une cascade sur votre épaule, son parfum capiteux vous noyant dans de coupables délices et qu’elle vous demandait de sa voix ensorcelante :
« Que signifie “expectative” en droit canon ? »
L’étudiant ne sait même plus comment il s’appelle, alors « l’expectative »… De plus, certains de ces jeunes hommes, très religieux, jeûnaient chaque lundi et chaque jeudi. Un coup de droit canon avec Olga et le jeûne n’était plus valable aux yeux de Dieu.
Comment résoudre ce problème ? Elle n’allait quand même pas crever un œil à la fée, pour l’enlaidir, ou bien lui dessiner une moustache sur le visage ? Ne sachant que faire, elle s’en ouvrit à Olga elle-même. Celle-ci, qui ne manquait pas d’humour, éclata de rire. C’était bien la première fois qu’on lui reprochait d’être elle-même, telle que Dieu l’avait créée. Mais comme elle était prête, en bonne Hollandaise, à chercher un compromis, elle alla acheter, le samedi suivant, dans une boutique spécialisée, des vêtements à la mode : la mode albanaise d’avant-guerre, s’entend, lorsqu’on faisait des robes avec des sacs de pommes de terre. Elle a dû bien s’amuser.
Et c’est ainsi qu’on peut voir à Rotterdam, le jeudi après-midi, une jeune paysanne, les cheveux cachés dans un gros bonnet de laine, elle-même engoncée dans une robe informe, trottinant sur ses talons plats en direction de l’amphi. C’est Olga, revue et corrigée par mes vertueux compatriotes.
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