Guinée : comment sortir de la crise ?

Chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS, Pretoria), auteur de Guerres civiles et coups d’État en Afrique de l’Ouest (L’Harmattan, 2007)

Publié le 14 octobre 2009 Lecture : 3 minutes.

Personne ne peut rester indifférent face à l’ignoble crime perpétré par les « forces de l’ordre » guinéennes contre leurs propres compatriotes le 28 septembre dernier. Mais il faut savoir gérer la situation avec prudence et pragmatisme. Les Forces vives guinéennes, appuyées par des organisations de défense des droits humains, préconisent légitimement la traduction de certains leaders du CNDD, y compris leur chef, devant la Cour pénale internationale (CPI). Personnellement, je ne pense pas qu’insister sur cette action judiciaire en ce moment précis soit réaliste ou même sage. Comme le montrent bien les Forces vives dans leur communiqué du 30 septembre, la Cedeao et l’Union africaine (UA) constituent des partenaires incontournables pour la résolution de la crise guinéenne. Or il est inconcevable que l’UA appuie une plainte devant la CPI étant donné sa position sur le cas du président soudanais, Omar el-Béchir.

La CPI a aussi ses propres problèmes de capacité et de légitimité, surtout s’il s’agit d’un énième cas africain. Son hésitation à s’engager dans le cas – plus tragique encore – du Kenya illustre bien ce constat. Et il faut reconnaître que la menace d’une action devant la CPI ne peut que conduire les éléments endurcis du CNDD à vouloir prolonger leur « séjour » au camp Alpha-Yaya-Diallo.

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Il y a ensuite le problème du gouvernement d’union nationale. Les Forces vives ont raison de s’opposer à la proposition de Dadis, mais doivent demeurer flexibles. « Non » à un prétendu « gouvernement d’union nationale » contrôlé par le CNDD, mais « oui » à un gouvernement contrôlé par les Forces vives, avec quelques membres du CNDD seulement.

Quelle stratégie déployer pour y parvenir ? Pour répondre, il faut d’abord établir certains faits. Quand Dadis dit qu’il est « pris en otage » par les militaires, ce n’est pas totalement faux. Une confidence : j’ai séjourné à Conakry fin février dans le cadre d’une enquête de terrain sur la transition pour le compte de l’ISS. J’ai été introduit au bureau de Sékouba Konaté, le ministre de la Défense, dans la soirée du 26 février. Il se vantait que le CNDD avait fait mentir ses détracteurs qui ne lui accordaient pas plus d’un mois de vie. « Nous sommes déjà à la fin du deuxième mois. Ils vont voir ! » a-t-il dit, suivi des rires de ses collègues.

De cet entretien et des confidences de certains proches de Dadis, j’ai conclu que des éléments comme Konaté ne voudraient pas quitter le pouvoir et menaceraient Dadis au cas où celui-ci se déciderait à le faire. Souvent, des dictateurs demeurent très longtemps au pouvoir aussi parce qu’ils sont menacés par certains proches qui ne peuvent prétendre à leur succession.

Par ailleurs, le gouvernement actuel comporte certaines personnes compétentes auxquelles on peut faire confiance pour continuer à gérer la transition. D’autant qu’un nouveau gouvernement composé uniquement des Forces vives ne me semble pas réaliste : non seulement les militaires ne l’accepteraient pas, mais le nombre pléthorique des membres du Forum des Forces vives poserait problème lors du partage des différents portefeuilles.

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À ce stade, plusieurs mesures pourraient donc être envisagées. La première concerne l’envoi d’une force d’interposition de la Cedeao qui assurerait la sécurité des populations, protégerait Dadis contre les siens et s’assurerait du bon déroulement des élections. La deuxième serait de « négocier » le congédiement de certains membres du CNDD qui occupent des postes ministériels clés et qui se sont rendus coupables d’exactions. La troisième mesure consisterait à donner des pouvoirs exécutifs élargis et plus d’autonomie au Premier ministre, qu’il faut, si nécessaire, remercier et remplacer par quelqu’un de plus compétent et sûr. Ensuite, il faut établir d’urgence le Conseil national de transition tel que suggéré par les Forces vives. Dadis doit s’engager par écrit que ni lui ni aucun membre du CNDD ou du gouvernement ne seront candidats aux prochaines élections prévues pour janvier 2010. Il doit en outre débloquer tous les fonds nécessaires dont a besoin la Commission électorale nationale indépendante. Enfin, la Constitution doit, à tout prix, être toilettée avant les élections.

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