Voyage au bout de l’enfer

Deux films reviennent avec force sur le génocide rwandais et ses conséquences. Sans pour autant recourir au spectaculaire.

Renaud de Rochebrune

Publié le 14 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

Le génocide au Rwanda a inspiré les cinéastes. Une bonne dizaine de films, tous genres confondus, ont été tournés et distribués en salles ces dernières années. Bien qu’inspirés souvent de faits réels, la grande majorité de ces longs-métrages sont des fictions. Et même souvent des histoires de style hollywoodien, à l’instar d’Hôtel Rwanda, de l’Irlandais Terry George en 2005. Comme s’il était encore difficile d’évoquer le réel des massacres ethniques de 1994 sans le recours à l’imaginaire et surtout le filtre du spectacle.

Deux nouveaux films, Le jour où Dieu est parti en voyage et Munyurangabo évoquent l’un le génocide lui-même, l’autre ses conséquences sur la vie des survivants. Mais, cette fois, et c’est ce qui fait leur originalité et leur force, sans le recours facile au spectacle pour raconter le destin de personnages singuliers et attachants.

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Totalement silencieux

Le scénario de Munyurangabo paraît de prime abord rejoindre celui de la plupart des films « romanesques ». Il met en scène deux amis, Munyurangabo et Sawanga, inévitablement un Hutu et un Tutsi. Ces deux adolescents ont quitté Kigali, où ils vivaient, pour aller réaliser ce que Sawanga considère comme sa mission : tuer à la machette dans un village lointain celui qui a assassiné de la même façon son père en 1994. Ce long-métrage est le résultat d’ateliers de cinéma animés au Rwanda en 2006 par le réalisateur coréen-américain Lee Isaac Chung. Munyurangabo est un premier film tourné sans moyens et en onze jours à partir d’improvisations avec des acteurs amateurs. Et a pour enjeu la mémoire. Il s’interroge sur les traces du génocide et non pas sur son déroulement, sur la légitimité de la vengeance, du pardon et de la réconciliation.

Le jour où Dieu est parti en voyage est également un premier film. Réalisé par le chef opérateur belge Philippe Van Leeuw, il tranche encore plus avec la production « classique » sur le génocide. Menacée par les tueurs, une jeune nourrice, Jacqueline, sort de sa cachette pour tenter de retrouver ses enfants. Elle découvre alors leurs cadavres et erre, comme folle, dans des marais. Jusqu’au moment où elle décide de cesser de fuir.

Un drame humain, d’une intensité extraordinaire, qui tire sa force non pas des événements qu’il relate, mais de sa forme radicale : le film, aux images superbes, est presque totalement silencieux. Au point d’« obliger » en quelque sorte le spectateur à partager l’expérience de survie de l’héroïne, dont le rôle est magistralement interprété par la chanteuse rwandaise Ruth Nirere. Et à mesurer par là même les limites de l’humain et de l’inhumain. 

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