Total : Marraud des Grottes doit explorer d’autres régions

Jadis pépinière de mousquetaires, la Gascogne fournit aussi des capitaines d’industrie. Si le plus célèbre d’entre eux, Jean-Luc Lagardère, a bâti dans la défense et les médias le fameux vaisseau qui porte son nom (avant son décès en 2003), Jacques Marraud des Grottes est l’un des grands artisans du développement pétrolier de la France en Afrique. Chez ce natif de Sauviac (sud-ouest de la France), amateur de cigares, de montagne et de golf, qui se dit « profondément gascon », rien ne rappelle pourtant les héros hâbleurs et extravagants de la littérature française. À 57 ans, dont vingt-sept passés au sein du groupe, le directeur Afrique de Total, également président du conseil d’administration des principales filiales africaines, passe plutôt pour un général loyal. C’est surtout un travailleur assidu et discret que les incidents postélectoraux du Gabon ont soudainement placé sous les feux de la rampe.

« Les violences n’ont heureusement pas fait de blessés parmi notre personnel, auquel je veux rendre hommage pour son sang-froid et sa solidarité. Une partie des employés évacués à Libreville sont déjà retournés sur la base de Port-Gentil. Nos équipes, tant à terre qu’en mer, continuent de produire environ 75 000 barils par jour », explique-t-il. Un message appuyé par la direction de la communication du groupe qui veut absolument rassurer les investisseurs et les familles… 

Proche de Jean Ping

Mais, une fois de plus, la « Françafrique », comme de vieux habits qui collent à la peau, semble avoir rattrapé Total, qui doit assumer le lourd héritage de la société Elf absorbée en 2000. Elf, c’est la période des années noires de 1980 et 1990 qui ont conduit à la condamnation pour détournements de fonds de l’ancien PDG, Loïk Le Floch-Prigent, de son bras droit, Alfred Sirven, et du « Monsieur Afrique », André Tarallo.

« Nous ne nous sommes jamais reconnus dans les descriptions que la presse a faites des hommes d’Elf », explique Jacques Marraud des Grottes. Depuis, Total privilégie expérience et sérieux au poste « sensible » de directeur Afrique.

Titulaire d’une maîtrise de droit et diplômé de l’Institut de contrôle de gestion (ICG), il fait son service militaire comme coopérant à la Chambre de commerce franco-norvégienne. À son retour, il intègre Airbus Industrie comme négociateur des contrats, un poste qui l’amène à parcourir le monde. Il rejoint Elf Aquitaine en septembre 1982 et part rapidement au Gabon, où il passe chef de division. C’est là qu’il fait la connaissance de Jean Ping, l’actuel président de la Commission de l’Union africaine, qui à cette époque (en avril 1990) prend la tête du ministère des Mines et de l’Énergie. Une solide amitié lie toujours les deux hommes. De retour à Paris fin 1991, il est nommé délégué Nigeria puis affecté, deux ans plus tard, en Angola en tant que DG adjoint. Ces deux pays représentent l’avenir du groupe : l’exploitation d’immenses réserves dans l’offshore profond. En 1997, il accède au poste de directeur général en prenant les rênes de la filiale de Trinidad et Tobago avant d’assumer les mêmes fonctions au Gabon et au Nigeria.

Il remplace, en septembre 2008, Jean Privey, autre homme du sérail parti à la retraite, et veille alors sur une trentaine de cadres en France et 6 000 collaborateurs sur le continent, dont 80 % d’Africains. L’Afrique, c’est près de 800 000 barils produits au quotidien et un tiers des réserves du groupe. D’ici à cinq ans, la croissance viendra des projets dans l’offshore profond au Nigeria, en Angola et au Congo, et de la production de gaz. La multinationale prospecte actuellement des permis en Égypte, en Mauritanie et à Madagascar. Et prévoit d’explorer de nouvelles régions du golfe de Guinée et d’Afrique australe comme l’Ouganda et la Tanzanie.