Frénésie de technopôles
Augmentation des effectifs universitaires dans les sciences et techniques, création de pôles de compétitivité… Quelle stratégie mettre en œuvre pour coordonner cette politique ?
Tunisie, du bon usage de la modernité
Alors que l’Inde, peuplée de plus de 1 milliard d’habitants, compte huit technopôles, la Tunisie, avec 10 millions d’habitants, en a autant. En effet, en plus de celui d’El-Ghazala à Tunis-Ariana (technologies de l’information et de la communication [TIC]), sept sont en voie d’achèvement – deux dédiés aux textiles, à Monastir et à El-Fejja-Manouba, un à Sidi Thabet (biotechnologie, industrie pharmaceutique), un à Borj Cedria (biotechnologie végétale, énergies renouvelables), un à Sfax (informatique et multimédia), un à Sousse (mécanique, électronique et informatique) et un à Bizerte (agroalimentaire). Et plus si l’on compte deux nouveaux parcs dédiés aux TIC et dont les travaux viennent de commencer, à Ennahli et à Manouba, dans les environs de Tunis, et au moins deux autres dont l’ouverture est prochaine, à Médenine (valorisation des ressources du désert) et à Jendouba. À terme, le pays aura au moins vingt-quatre technopôles, le gouvernement projetant de doter chacune des vingt-quatre régions de la Tunisie d’un parc technologique destiné à valoriser les points forts de chacune d’entre elles.
Pépinières d’entreprises
Avec cette frénésie de technopôles, les milliers d’ingénieurs et techniciens qui sortent chaque année des universités tunisiennes n’ont théoriquement pas de souci à se faire pour leur avenir dans le pays. Celui-ci consacre 7,5 % de son PIB à l’éducation, et, chaque année, les dépenses publiques en recherche et développement sont estimées à 1,25 % du PIB. À la rentrée universitaire 2009-2010 en septembre, les 190 établissements supérieurs et de recherche, ainsi que 24 instituts supérieurs d’études technologiques et 13 universités du pays ont enregistré l’inscription de 370 000 étudiants, dont 75 000 nouveaux bacheliers et 25 000 poursuivant des études dans les filières de langues étrangères.
Le système universitaire compte 580 filières spécialisées dont notamment 118 en ingénierie, 135 licences appliquées et 103 diplômes universitaires de technologie. Chaque année, ce système produit 60 000 nouveaux diplômés, dont plus de 5 000 ingénieurs, ce qui fait de la Tunisie un gisement de matière grise et le pays de la rive sud de la Méditerranée qui forme le plus d’ingénieurs et de techniciens supérieurs par habitant. En grande partie, ces compétences se dirigent vers les parcs technologiques, dont la particularité première est qu’ils associent formation et recherche, pépinières de porteurs de projets, pépinières d’entreprises et production par des entreprises innovantes en relation avec la spécialisation du technopôle. Ces parcs, ouverts aux investisseurs étrangers, sont en effet dédiés à l’un des six principaux secteurs considérés comme stratégique pour le développement du pays, avec les TIC, les biotechnologies, les industries mécaniques, électriques et électroniques (MEE), le textile-habillement et l’agroalimentaire.
Le parc des technologies de la communication El-Ghazala (La Gazelle), vitrine de la Tunisie high-tech, est le plus ancien en Tunisie et au Maghreb. Il a ouvert ses portes en 1999, (celui de Casablanca en 2001). D’après un bilan officiel, il abrite 82 entreprises étrangères et tunisiennes qui emploient plus de 1 600 ingénieurs et exportent 75 % de leur production.
Montée de fièvre du high-tech
Des représentations de grands noms des TIC y ont pris pied, comme Alcatel, Ericsson, Huawei Technologies, BFI Group, et Telnet qui y installe sa plate-forme technique. La multinationale Hewlett-Packard (HP) est en train d’y achever la construction d’un centre d’assistance à ses clients, Global Delivery Tunisia Center, en vue de son ouverture fin 2009. Sa mission sera d’assister les clients de HP, non seulement en Tunisie dans un premier temps, mais aussi en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient au-delà de 2011. Ce centre devrait créer 800 postes d’emploi de techniciens et ingénieurs d’ici à 2010, et atteindre 950 fin 2011.
Du coup, la fièvre du high-tech est montée d’un cran avec la décision non programmée de construire deux nouveaux parcs à plusieurs kilomètres d’El-Ghazala, dont ils seront, selon l’administration, des extensions, alors même qu’ils sont encore plus vastes et sont dédiés à l’offshoring. « Compte tenu de l’importance des demandes d’implantation émanant d’investisseurs étrangers, explique-t-on au ministère des Technologies de la communication, il est devenu impératif d’étendre le technopôle d’El-Ghazala afin de répondre à cette demande. » C’est ainsi que le parc de Manouba, face au campus universitaire, couvrira au total 54 ha, dont 300 000 m2 de surface couverte, et permettra la création de 15 000 emplois d’ingénieurs et techniciens. À Ennahli, le parc couvrira plus de 36 ha dont 200 000 m2 couverts, avec 10 000 autres emplois à la clé. L’investissement dans les deux parcs est estimé à 100 millions de dinars (53 millions d’euros).
Les technopôles de Sousse, de Sfax et de Bizerte sont en fin d’aménagement mais n’ont jusque-là pas accueilli de grands investisseurs étrangers. Celui de Borj Cedria bénéficie de l’assistance du gouvernement japonais, qui construit et équipe les instituts supérieurs, les bâtiments communs, et fournit les équipements pour les centres de recherche dans les domaines de l’énergie, de l’eau et de la biotechnologie. BiotechPole Sidi Thabet, où les laboratoires de recherche et d’analyse sont une réussite, achève en 2010 l’aménagement de la zone dédiée aux entreprises de production, un retard qui expliquerait que les grands groupes pharmaceutiques internationaux, dont on avait parlé il y a quelques années lors de son ouverture, n’y soient pas encore implantés.
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