Une histoire multiple

Fawzia Zouria

Publié le 23 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

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Tunisie, du bon usage de la modernité

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Demandez à un Européen de vous définir en quelques mots la Tunisie et vous serez étonné de constater à quel point l’exercice lui sera difficile. Posez-lui la question de savoir qui du Maroc ou de la Tunisie, à titre d’exemple, est le plus moderne, il vous répondra sans hésiter : le Maroc. Toutefois, il suffit à cet étranger de visiter le pays de Carthage pour que changent ses appréciations : la Tunisie lui apparaîtrait si moderne, si proche de la rive nord, si semblable qu’il… s’y sentirait presque chez lui.

De fait, il semble que ce pays demeure réfractaire aux images d’Épinal. Si l’Algérie peut évoquer, de loin, la guerre de libération aux yeux de l’Occident, et si le thème de l’authenticité revient souvent dans l’évocation du royaume chérifien, la Tunisie semble plus difficile à « résumer ». Ce pays aux histoires multiples, à la modernité ancienne, aux frondes sporadiques et aux révolutions intellectuelles fondatrices possède quelque chose de l’Orient et de l’Occident et constitue un point de croisement entre les deux rives de la Méditerranée : celui qui témoigne de la civilisation de Carthage et de Kairouan, qui a abrité la Phénicienne Elissa, le Berbère Massinissa, le chrétien saint Augustin et le musulman Ibn Khaldoun.

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Cette multiplicité historique fait des Tunisiens des Méditerranéens parmi d’autres, mais plus décidés à vivre à l’heure occidentale sans cesser pour autant de prendre le chemin de la mosquée ou de revêtir la djebba traditionnelle ; des Tunisiens déterminés à rejoindre le convoi du monde non seulement sur le plan économique et culturel, mais aussi sur le registre de l’émancipation féminine, qu’ils considèrent à raison comme le passeport pour la modernité ; des Tunisiens en perpétuelle discussion sur les sources religieuses, qu’ils n’hésitent pas à renégocier, voire à soumettre à la critique ; enfin, des Tunisiens à l’affût des nouveautés de la science comme de la technologie appliquée à son contexte, quelles qu’en soient les difficultés ou les restrictions, en accord avec les conventions internationales, quitte à ce que les mentalités leur fassent subir quelques entorses.

C’est cela qui donne à ce peuple une plus grande marge de liberté, l’incite à l’innovation et lui offre, probablement, le chemin le plus court vers l’universel. C’est cela aussi ce que l’on peut appeler le « miracle tunisien ». Lequel n’est autre que le pari d’une modernité à la fois attachée aux sources et ouverte sur le monde. À preuve : une production intellectuelle et artistique à l’avant-garde de la pensée arabe, des programmes éducatifs laïcs, un islam qui ne cesse de lutter contre le démon de l’intégrisme, une jeunesse branchée sur le reste de la planète via câbles et satellites et une infrastructure socio-économique qui ne le cède en rien à celle de la rive nord.

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