Pourquoi Obama ne s’occupe pas de l’Afrique

Christophe Boisbouvier

Publié le 13 octobre 2009 Lecture : 3 minutes.

« Il tâtonne ou il patine ? » s’interroge un diplomate africain. Neuf mois après son arrivée à la Maison Blanche, Barack Obama suscite les premières interrogations. Pourtant, son discours d’Accra, le 11 juillet, avait séduit. Démocratie, bonne gouvernance… Qui pourrait être contre ? Mais un mois plus tard, la secrétaire d’État Hillary Clinton a fait une première tournée africaine à forte odeur de pétrole : Nigeria, Angola… Dans ce dernier pays, elle s’est satisfaite d’une vague promesse de tenue d’une élection présidentielle, l’an prochain.

A contrario, Johnnie Carson, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines, a fait scandale au Kenya. Le 24 septembre, il a écrit à quinze ministres, députés et hauts fonctionnaires : « Si vous ne vous attaquez pas, comme promis, à la corruption et à la fraude, vous n’aurez plus de visas pour les États-Unis », leur a-t-il fait savoir en substance. À Nairobi, le président Kibaki s’en est, paraît-il, étranglé d’indignation !

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« La surprise, estime un familier du département d’État, à Washington, c’est qu’Obama ne s’occupe pas de l’Afrique. Il a beaucoup trop à faire avec l’Iran et la réforme du système de santé. Et puis, les États-Unis étant une mosaïque ethnique, il craint sans doute d’être mal vu s’il s’intéresse de trop près à sa terre d’origine. »

De fait, aucune visite n’est programmée. Les dossiers africains sont suivis par le département d’État (Clinton, Carson et Susan Rice, l’ambassadrice à l’ONU), le Conseil national de sécurité (le général James Jones et Samantha Power), le Pentagone (la sous-secrétaire d’État Vicki Huddleston et le général William E. Ward, chef d’Africom) et, bien sûr, la CIA. « Contrairement aux apparences, ajoute notre spécialiste, l’idée de la lettre de menace aux responsables kényans ne vient pas d’Obama, mais de Carson. Il est africain-américain et a été ambassadeur à Nairobi : il faudra compter avec lui. »

Dans ses alliances stratégiques, Obama reste fidèle aux choix de ses prédécesseurs. L’Afrique du Sud, où Hillary a fait étape en août, reste le partenaire privilégié. Et le Rwanda occupe toujours une place à part. Lors d’une rencontre avec des hommes d’affaires américains, le 1er octobre à Washington, le président Paul Kagamé a d’ailleurs eu droit aux éloges publics de la secrétaire d’État.

Dans la lutte antiterroriste, il ne rompt pas non plus avec la politique de George W. Bush. Priorité au containment [« endiguement »] des djihadistes dans la Corne de l’Afrique. Le Pentagone s’efforce toutefois de limiter le nombre des victimes « collatérales ». Le 14 septembre, en Somalie, le chef islamiste Saleh Ali Saleh Nabhan a été tué au cours d’un raid ciblé de six hélicoptères contre son véhicule. « Pour nous, les deux régions les plus préoccupantes sont la Corne et le Sahel », confie Huddleston. « Face aux islamistes sahéliens, notre premier partenaire, c’est l’Algérie », renchérit un analyste de la CIA.

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C’est uniquement au Soudan que la différence Obama se fait sentir. Au grand dam de Susan Rice et de l’ONG Save Darfur, un envoyé spécial de la Maison Blanche a plusieurs fois rencontré le président soudanais Omar el-Béchir. Dans le Washington Post du 29 septembre, le général Scott Gration est allé plus loin : « Il faudrait penser à distribuer des sucreries. Les pays sont comme les enfants, ils réagissent aux bons points, aux sourires, aux poignées de main, aux accords et aux promesses. »

Manifestement, Susan Rice n’a pas apprécié. De bonne source, elle a aussitôt appelé la Maison Blanche pour protester. Mais, pour l’heure, Barack Obama n’a pas tranché. Après tout, s’il dialogue avec les Iraniens, pourquoi pas avec les Soudanais ? Surtout, il ne veut pas rompre avec Khartoum avant le référendum d’autodétermination du Sud-Soudan, prévu en 2011. « Il risque de sacrifier le Darfour au Sud-Soudan », commente François Grignon, membre de l’ONG International Crisis Group. Preuve d’un certain embarras : le département d’État avait promis, en juillet, la publication d’une directive sur le Soudan. Trois mois plus tard, on attend toujours. 

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