Qui a eu la peau de Gadio ?
C’est en regardant la télévision le 1er octobre au soir que Cheikh Tidiane Gadio a appris son limogeage. Le chef de la diplomatie sénégalaise venait d’assister le matin même à un Conseil des ministres où le président n’avait rien laissé paraître de ses intentions. « C’est son habitude, commente un habitué du Palais. Wade n’avertit jamais les personnes qu’il limoge. » Mais, cette fois-ci, la méthode en a surpris plus d’un. Avec son collègue des Finances, Abdoulaye Diop, Cheikh Tidiane Gadio était l’un des deux champions de la longévité gouvernementale. Il était à son poste depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade, en avril 2000. Et le 2 juin dernier, lors de la signature d’un accord sur la Mauritanie dans un grand hôtel de Dakar, le chef de l’État sénégalais l’avait couvert d’éloges. « C’est le meilleur ministre des Affaires étrangères d’Afrique. Je sais que les autres le veulent, mais moi, je ne le lâcherai pas », avait-il lancé devant un parterre de diplomates hilares… Il est vrai que, quelques semaines avant la chute d’Idrissa Seck, en avril 2004, Abdoulaye Wade vantait encore sa relation avec lui : « Il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre mon Premier ministre et moi. » Au Sénégal, il ne fait pas bon être trop près du chef.
Clash avec Karim ?
La disgrâce du ministre vient-elle du flop de la diplomatie sénégalaise sur la Guinée ? Pas sûr. « Je ne crois pas que Gadio pouvait se permettre de critiquer son patron sur un dossier que le chef de l’État gérait personnellement, estime un proche des deux hommes. Depuis neuf ans, Gadio avalait beaucoup de couleuvres. Il pouvait encore manger le margouillat de Guinée… De toute façon, les relations Wade-Gadio se dégradaient depuis plusieurs mois. » L’ancien professeur de journalisme a-t-il été victime d’une cabale orchestrée par Karim Wade ? À Dakar, beaucoup en sont persuadés. Dès le 2 octobre, l’un des plus gros tirages de la place – L’Observateur de Youssou N’Dour – titrait : « Karim limoge Gadio ». Du côté du pouvoir, on écarte cette hypothèse : « Je ne vois pas pourquoi Karim chercherait à se débarrasser de quelqu’un qui ne pèse ni dans sa région ni dans le parti. Pour Karim, Gadio n’est pas un rival. » Mais un connaisseur objecte : « Depuis que Karim est ministre de la Coopération internationale, il souhaite gérer seul les relations entre le Sénégal et les pays arabes, du Maghreb jusqu’au Golfe. Or, au fil des ans, Gadio a tissé des liens solides avec des dirigeants arabes comme Kadhafi. Le clash était inévitable. »
Depuis mai dernier, le fils du chef de l’État cumule quatre portefeuilles ministériels (Coopération internationale, Aménagement du territoire, Transports aériens, Infrastructures). « Il est le ministre du ciel et de la terre », plaisantent les Dakarois. Pas sûr que l’avocat Madické Niang, le nouveau chef de la diplomatie sénégalaise, ait les coudées aussi franches que son prédécesseur…
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