Qui est Richard Goldstone ?

Président de la commission d’enquête de l’ONU sur l’offensive israélienne à Gaza.

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Publié le 13 octobre 2009 Lecture : 4 minutes.

Au plus haut niveau de l’État hébreu, l’offensive diplomatique est lancée. Dans la ligne de mire, le rapport de la commission Goldstone sur l’opération « Plomb durci » menée par Israël entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 dans la bande de Gaza. Pour Benyamin Netanyahou, Shimon Pérès, Avigdor Lieberman et Ehoud Barak, il va s’agir de démontrer que ce rapport est « biaisé » et qu’il est trop conciliant avec les « terroristes ». La tâche risque d’être ardue : le principal auteur du texte, Richard Goldstone, bénéficie d’une solide réputation de sérieux et d’objectivité. Et c’est lui qui, à l’origine, a insisté auprès du président du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le Nigérian Martin Uhomoibhi, pour que l’enquête porte à la fois sur les exactions de l’armée israélienne et sur celles du Hamas.

Petit-fils d’immigrés juifs lituaniens, Richard Goldstone est né à Boksburg, en Afrique du Sud, le 26 octobre 1938. Blanc, il aurait pu se satisfaire d’appartenir à un monde de privilégiés et ignorer la majorité noire qui allait vivre sous le joug de l’apartheid mis en place quand il avait 10 ans. Cela ne sera pas le cas. Étudiant, il manifeste contre l’introduction de la ségrégation raciale à l’université. Diplômé de l’Université du Witwatersrand en 1962, il exerce un temps comme avocat au barreau de Johannesburg et se distingue en empêchant une série d’expulsions de familles noires et en assistant des militants de l’ANC emprisonnés. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ses choix ne mettent pas un terme à sa carrière. En 1980, il est nommé juge à la Cour suprême du Transvaal. Onze ans plus tard, il prend la tête d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les violences et les intimidations perpétrées par certains membres des forces de sécurité. Le travail de la « commission Goldstone » conduit au limogeage d’officiers de haut rang et, au lendemain des premières élections démocratiques, cet inattaquable défenseur du droit devient juge au sein de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud.

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Sa réputation dépasse alors les frontières de son pays. On le dit travailleur, méthodique, efficace, tenace et résolu. C’est sans doute ce qui lui vaut d’être désigné, en 1994, procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à La Haye. Puis, la même année, pour un poste équivalent au sein du Tribunal pénal international pour le Rwanda. À l’époque, il déclare au quotidien français Libération : « Dans mon pays et ailleurs, hier en Allemagne et aujourd’hui au Rwanda ou en ex-Yougoslavie, ce sont souvent des gens ordinaires qui sont impliqués dans l’horreur. » Sa carrière internationale ne s’arrête pas là. Il s’implique, à partir de 1997, dans la traque des criminels de guerre nazis réfugiés en Argentine et dirige, entre 1999 et 2001, la Commission internationale indépendante sur le Kosovo. Son nom apparaît aussi dans l’enquête à propos de l’Irak sur le controversé programme « pétrole contre nourriture » des Nations unies, en 2004…

Marié, père de deux filles, quatre fois grand-père, Richard Goldstone peut se targuer d’un parcours sans fautes. C’est fort de cet itinéraire et convaincu de la nécessité de défendre la loi qu’en avril 2009 il accepte de diriger, avec trois autres spécialistes du droit, l’enquête sur « toutes les violations des droits de l’homme » présumées à Gaza. Il savait dès le départ que le sujet était « très sensible » et « politiquement chargé ». Et les problèmes ont d’ailleurs commencé dès le début des investigations sur les affrontements ayant causé la mort de quelque 1 400 Palestiniens, essentiellement des civils, et de 13 Israéliens, dont 4 civils. Jugeant la démarche partiale, Israël refuse de collaborer et interdit aux enquêteurs d’accéder à la bande de Gaza, à la Cisjordanie et au sud d’Israël. La commission a néanmoins pu examiner 36 incidents survenus en ces lieux. Elle a recueilli plus de 200 témoignages, examiné 10 000 pages de documents, 1 200 photos et une trentaine de vidéos. Israël s’est refusé à répondre à toute une série de questions pour ne pas « cautionner » la démarche du juge.

En dépit du caractère accablant de son rapport – surtout pour Israël, mais aussi pour le Hamas –, Richard Goldstone reste prudent, soulignant que l’État hébreu « avait commis des actions qui équivalaient à des crimes de guerre, peut-être des crimes contre l’humanité » et que des « groupes armés palestiniens ont commis des crimes de guerres et peut-être aussi des crimes contre l’humanité ». Il demande à Israël comme à l’Autorité palestinienne de conduire dans les six mois des enquêtes transparentes à propos des faits incriminés, faute de quoi il conviendrait de saisir la Cour pénale internationale… Le Conseil de sécurité de l’ONU abordera le sujet le 14 octobre.

« Mon expérience dans de nombreuses régions du monde, y compris dans mon propre pays, l’Afrique du Sud, m’a appris que la paix et la réconciliation dépendent dans une large mesure de la reconnaissance publique des souffrances des victimes. Cela s’applique au Moyen-Orient », a déclaré Richard Goldstone, fin septembre, lors de la présentation des 575 pages de son rapport. Il est, depuis, la cible d’attaques si virulentes que sa fille Nicole a pris sur elle d’intervenir dans le débat public. « Mon père a accepté ce travail parce qu’il pensait agir ainsi de son mieux en faveur de la paix, pour tout le monde et aussi pour Israël. Cela n’a pas été facile pour lui. Il ne s’attendait pas à voir et à entendre ce qu’il a vu et entendu. » Les autorités israéliennes vont avoir du mal à convaincre l’opinion internationale que le juge Goldstone serait du genre à se laisser dicter des conclusions partisanes.

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