Au bout du compte

Christophe Boisbouvier

Publié le 13 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

C’est l’un des recomptages de voix les plus longs de l’Histoire. « On se croirait en Amérique, il y a neuf ans, au moment de la querelle de chiffres entre George W. Bush et Al Gore », plaisantent les Gabonais. « Et pourtant, le 30 août, nous n’étions que 200 000 électeurs. L’équivalent d’une municipale de quartier à Kinshasa ! » Six semaines après le scrutin – et à l’heure où nous mettions sous presse –, il n’y avait toujours pas de vainqueur. Le 3 septembre, la Commission électorale a annoncé la victoire d’Ali Bongo Ondimba (41 %), devant André Mba Obame (25 %) et Pierre Mamboundou (25 %). Mais le 17 septembre, neuf candidats ont déposé un recours en annulation. Le 30, la Cour constitutionnelle a commencé le recomptage des voix. Et, aujourd’hui, tout est suspendu à la décision des neuf juges – inamovibles – de cette cour suprême.

L’opposition espère

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Pourquoi est-ce si long ? Officiellement, parce que la Cour, à la différence de la Commission électorale, ne se contente pas de lire les procès-verbaux de centralisation et examine chacun des 2 815 PV des bureaux de vote. Mais, d’après plusieurs sources proches de la Cour, les juges ont constaté un certain nombre d’anomalies et n’hésitent pas à étudier aussi les listes d’émargement des bureaux de vote litigieux.

L’examen de la Cour pourrait-il remettre en question la victoire d’Ali Bongo Ondimba ? Dans le camp du Parti démocratique gabonais, on n’y croit pas une seconde. « Les gens ne sont pas habitués à attendre si longtemps, c’est vrai. Mais, dans le passé, c’est le président sortant qui était réélu. En fait, les délais sont légaux, et il n’y a rien d’anormal », affirme Clémence Mézui, porte-parole d’Ali Bongo Ondimba.

En coulisse, les cadres du parti au pouvoir négocient déjà des places dans le futur gouvernement. En revanche, dans l’opposition, on espère toujours. « Si l’on recompte tous les PV, nous sommes sûrs de gagner », déclare Richard Moulomba Mombo, porte-parole de Pierre Mamboundou. Même assurance chez André Mba Obame : « Nous avons confiance dans la Cour », dit l’ex-ministre de l’Intérieur, qui n’exclut pas que les juges annulent tout et ramènent les Gabonais aux urnes (voir p. 16).

« Frères consanguins »

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En réalité, l’opposition a une confiance très limitée dans la justice gabonaise. La preuve : dans sa requête en annulation, le candidat Mba Obame a réclamé la récusation de la présidente de la Cour, au motif qu’« elle a deux enfants qui sont des frères consanguins du candidat pour lequel l’annulation de l’élection est sollicitée ». Évidemment, depuis les polémiques de la campagne électorale, Marie-Madeleine Mborantsuo s’attendait à une telle offensive. Le 27 septembre, sans doute pour faire taire ses détracteurs, elle a annoncé elle-même le recomptage des voix : « Il s’agit pratiquement d’un dépouillement, mais cette fois-ci des PV de chaque bureau de vote. S’il y en a 2 800, ce sont les 2 800 qui seront recomptés. » Suspense ? Pas suspense ? Réflexion d’un ancien Premier ministre gabonais : « En Afrique, on n’a jamais vu une élection annulée par des juges, mais sait-on jamais… »

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