Paul Le Guen : « Je ne suis pas un héros »

En deux matchs, le Français Paul Le Guen, entraîneur qui joue pour la première fois un rôle de sélectionneur, a remis le Cameroun dans la bonne direction. Celle de Johannesburg et de la Coupe du monde 2010.

Alexis Billebault

Publié le 6 octobre 2009 Lecture : 5 minutes.

Le Cameroun n’est pas l’endroit où l’on attendait Paul Le Guen après son expérience au Paris-SG. Longtemps annoncé à Lille, l’ancien international français a finalement cédé à la tentation africaine. Nommé au mois de juillet, il est sous contrat pour six mois avec la Fédération camerounaise de football. Un objectif double : qualifier les Lions indomptables pour la Coupe d’Afrique des nations 2010 en Angola et, surtout, la Coupe du monde en Afrique du Sud. Lors de sa prise de fonctions, la situation du Cameroun, dernier de son groupe avec un seul point récolté en deux matchs, était plus que précaire. Depuis, les Lions ont battu le Gabon à deux reprises (2-0 à Libreville et 2-1 à Yaoundé) et sont redevenus les favoris qu’ils étaient au moment du tirage au sort. À quelques jours d’une rencontre presque décisive face au Togo, le 10 octobre à Yaoundé, leur nouveau sélectionneur a accepté, dans les salons d’un hôtel parisien, de revenir sur ses deux mois africains. 

Jeune Afrique : Personne n’avait envisagé votre nomination à la tête du Cameroun. La presse spécialisée vous expédiait plutôt à Lille…

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Paul Le Guen : J’ai décliné la proposition lilloise. Ensuite, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Mohamed Iya, le président de la Fédération camerounaise. Pendant plus d’une heure, nous avons beaucoup échangé, et j’ai rapidement compris que ça pourrait coller entre nous.

Avant de prendre votre décision, aviez-vous mesuré les risques potentiels de cette mission ?

Bien sûr, ne serait-ce que par rapport à la situation sportive de l’équipe. Elle ne comptait qu’un point en deux matchs avant ma nomination, alors que le Gabon, que nous devions rencontrer deux fois en quatre jours en septembre, en avait déjà six. Et aussi parce que sélectionneur, ce n’est pas tout à fait le même métier qu’entraîneur. 

Jusqu’à maintenant, quels étaient vos liens avec l’Afrique ?

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Quand j’étais joueur, j’ai disputé des matchs amicaux au Sénégal et au Cameroun avec Nantes et Brest, et je me souviens avoir apprécié ces voyages. J’ai aussi entraîné plusieurs joueurs africains à Rennes, Lyon ou au PSG, et je me suis toujours bien entendu avec eux. Ce n’est pas énorme comme expérience, mais ce n’est pas rien non plus. 

Avez-vous pris conseil auprès de certains de vos collègues français ayant travaillé en Afrique ?

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J’ai en effet appelé Claude Le Roy, aujourd’hui sélectionneur d’Oman, et qui a dirigé, outre le Cameroun, le Sénégal, la RD Congo et le Ghana. Il m’a beaucoup parlé du Cameroun, et de l’amour qu’il avait pour ce pays, qui l’a visiblement marqué. 

Au moment de votre nomination, certaines réactions locales ont prouvé que l’arrivée d’un technicien étranger n’était pas toujours bien vue. Que cela prenait une dimension postcoloniale, notamment…

Oui, j’ai entendu ce genre de commentaires, et cela ne me semble pas anormal. Mais en ce qui me concerne, je veux juste rappeler que je ne suis pas allé frapper à la porte. Et maintenant que je suis en place, j’aimerais que les gens sachent que je suis à 100 % concerné par ma mission. Cela dit, je pense qu’être étranger peut aussi préserver de certaines influences locales. 

Avant ces deux confrontations avec le Gabon, le Cameroun avait eu le temps de disputer un match amical en Autriche (2-0), au mois d’août. Et déjà, vous aviez profité de ce premier rassemblement pour mettre en place votre plan de travail…

Je savais que certaines choses ne fonctionnaient pas avant mon arrivée. Je ne veux pas revenir là-dessus, car cela ne me concernait pas [son prédécesseur, l’Allemand Otto Pfister, très critiqué, avait démissionné au mois de mai dernier, NDLR]. J’ai simplement voulu changer certaines habitudes et obtenir quelques garanties sur mes conditions de travail pour essayer de mener à bien la mission qui m’a été confiée. J’ai ainsi pu m’entourer de gens que je connais bien, comme Yves Colleu, qui fut mon adjoint à Rennes, Lyon, Glasgow et Paris, le kiné Joël Le Hir ou le docteur Yannick Guillodo. 

L’une de vos premières décisions s’est révélée spectaculaire, puisque vous avez retiré le brassard de capitaine à Rigobert Song pour le confier à Samuel Eto’o, qui est souvent dépeint comme très individualiste…

Rigobert Song a rendu d’énormes services au Cameroun, et il continuera à en rendre. Il a accompagné l’évolution de l’équipe. C’est un personnage important de la sélection. Mais je ne voulais pas repartir sur les mêmes bases, et la nomination de Samuel comme capitaine est un des changements que je veux effectuer. Eto’o est un très grand joueur, une immense star, et j’aimerais qu’il se forge avec le Cameroun un aussi beau palmarès qu’avec Barcelone, son ancien club. 

Depuis la victoire en Autriche en amical et surtout le double succès face au Gabon, vous êtes devenu un véritable héros au Cameroun…

Mais tout cela me semble excessif… Oui, nous avons gagné deux matchs contre le Gabon que nous appréhendions forcément car nous aurions pu tout perdre, mais le plus important c’est de battre le Togo le 10 octobre. 

Vous allez préparer ce match à Yaoundé au Hilton, un lieu plus fermé que la résidence hôtelière du Mont-Fébé, qui était utilisée auparavant…

Absolument. J’ai demandé à bénéficier des mêmes conditions d’entraînement et d’hébergement pour préparer le match face aux Togolais. Quand les joueurs reviennent en Afrique, ils sont souvent sollicités par leurs proches ou des associations caritatives, et cela peut nuire à la préparation. Il ne s’agit pas de tout interdire, mais d’être un peu plus strict. 

Justement, avez-vous été amusé ou choqué par les inévitables comparaisons entre votre caractère jugé introverti et la présumée extravagance africaine ?

J’ai une certaine image, mais j’avoue en jouer un peu. Je ne suis pas le même, selon que j’évolue dans un cadre privé, ou dans l’exercice de mes fonctions, ou encore face aux journalistes. Et les Camerounais ne sont pas tous exubérants… Il y a beaucoup d’idées préconçues… Avec eux, ce n’est pas forcément l’eau et le feu… 

Envisagez-vous de reprendre rapidement un club ?

Je n’ai pas de plan de carrière. J’ai été récemment sollicité par un club, mais j’ai refusé sans hésiter. Je suis au Cameroun, totalement tourné vers le double objectif de disputer la CAN et la Coupe du monde. Mon contrat doit s’achever en décembre prochain. Bien sûr que j’aimerais vivre une CAN et surtout une Coupe du monde. Si nous nous qualifions, j’aurai l’occasion d’en discuter avec les dirigeants camerounais…

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