Les nouveaux rois africains du pétrole
La récente série de découvertes de gisements d’hydrocarbures en Afrique de l’Ouest et centrale laisse entrevoir l’émergence de nouveaux pays producteurs. Un potentiel révélé par de petites compagnies au flair souvent plus efficace que celui des majors.
Après la Côte d’Ivoire et le Ghana… ce sera peut-être au tour de la Sierra Leone, déjà riche en diamant, de rejoindre d’ici quatre ou cinq ans le cercle des pays africains producteurs de pétrole. L’exploration de son sous-sol maritime a révélé une présence encourageante d’hydrocarbures. Le 16 septembre, un consortium composé de quatre groupes : l’américain Anadarko, l’espagnol Repsol, le britannique Tullow Oil et l’australien Woodside – filiale de Shell à 34 % et seul non indépendant –, ont annoncé que leur forage Venus, situé au large de ce pays meurtri par plusieurs années de guerre civile, a abouti à une nappe pétrolière de 14 mètres d’épaisseur à plus de 5 300 mètres au-dessous du niveau de la mer. Au moins deux autres puits devraient permettre de déterminer le potentiel commercial de ce gisement. Mais, déjà, le consortium formé par ces quatre explorateurs reste résolument optimiste et table sur une réserve pouvant atteindre le milliard de barils.
Otimisme justifié, disent les experts. Car le golfe de Guinée, devenu depuis plusieurs années l’une des zones les plus dynamiques de l’exploration pétrolière au monde, dispose d’un énorme potentiel. « Le pétrole sierra-léonais pourrait être la continuité des gisements découverts au Ghana et en Côte d’Ivoire », explique Jean-Pierre Favennec, de l’Institut français du pétrole. Le puits Venus se situe en effet à un millier de kilomètres du gisement Jubilee, découvert en 2007 par Tullow Oil et un autre américain, Kosmos Energy, dans les eaux territoriales du Ghana, et dont les premiers barils devraient être pompés d’ici à la fin de l’année prochaine. L’ancienne Gold Coast, productrice de cacao et d’or, en tirera, grâce à une production de 250 000 barils par jour (b/j) à l’horizon 2010, plusieurs milliards de dollars de revenus supplémentaires pendant une vingtaine d’années.
Explorer Les champs délaissés par les majors
Le pourtour atlantique du continent n’a visiblement pas encore livré tous ses secrets. Rien que dans les bassins du Liberia et de la Côte d’Ivoire, jusqu’à 6 milliards de barils d’or noir pourraient y être trouvés. Et les chances pour les autres pays de la côte, comme le Togo et le Bénin, de déceler des gisements d’hydrocarbures dans leurs eaux vont croissantes. Alors que les petites compagnies pétrolières citées plus haut, très actives dans le golfe de Guinée et à l’intérieur du continent, se limitaient jusqu’à présent à la quête de gisements mineurs en repassant au peigne fin des champs abandonnés par les majors, désormais ils vont plus loin. Le puits de Venus a été foré dans une zone jamais explorée et à une profondeur qui n’avait pas encore été atteinte (1 800 mètres sous l’eau et à plus de 3 500 mètres sous terre marine). « Aujourd’hui, explique Jean-Pierre Favennec, des technologies existent pour tirer du pétrole à ces profondeurs. » D’après lui, la vraie question porte sur la taille des gisements qui y sont découverts. Dans le cas de la Sierra Leone, pour une production substantielle et rentable, la réserve récupérable de pétrole devrait être d’au moins 500 millions de barils. Avec cette réserve d’or noir, ce pays, dont les besoins quotidiens en hydrocarbures sont estimés à 9 000 b/j, pourrait envisager une production d’environ 60 000 b/j et donc devenir exportateur.
Le sous-sol du lac Albert très convoité
Ces espoirs sont les mêmes en Ouganda, où les perspectives d’une production pétrolière se précisent. Dans la foulée de la découverte de la Sierra Leone, Tullow Oil a parallèlement indiqué la découverte d’un important gisement, portant l’ensemble de ses découvertes de nouveaux gisements aux alentours du lac Albert à près de deux milliards de barils, après exploration de 30 % de cette région. Un potentiel qui réveille l’appétit des majors, comme l’italien Eni. Celui-ci serait tenté de prendre une participation dans les activités de Tullow Oil en Ouganda. Le groupe britannique, très actif dans la prospection dans cette région du lac Albert, frontalière avec la RD Congo, cherche un partenaire pour lancer d’ici à cinq ans la production de pétrole. Les autorités ougandaises étudient avec des investisseurs privés la possibilité de construire dans la zone une raffinerie pouvant sortir entre 150 000 et 200 000 b/j. Une quantité qui couvrirait largement les besoins intérieurs du pays, estimés à 11 000 b/j, et pourrait être exportée. Pour cela, les analystes estiment que le pays de Yoweri Museveni devrait se doter d’un pipeline de 1 300 kilomètres pour desservir le port de Mombasa, au Kenya voisin.
La fièvre de l’exploration a également gagné le Mali. Des études de prospection, sans résultats concrets, sont en cours dans le nord du pays. Celui-ci ne désespère pas d’obtenir les mêmes résultats que son voisin le Niger, où la China National Oil and Gas Development and Exploration Corporation (CNODC), envisage de faire couler l’or noir à partir de 2010. Au total, quelque 5 milliards de dollars devraient être consacrés à l’exploitation du bloc d’Agadem (dans l’Est), dont les réserves sont estimées à près de 350 millions de barils, et à l’exploration, avec le creusage d’une vingtaine de puits au cours des années à venir. Sont également prévus dans ce pays, troisième producteur mondial d’uranium, la construction d’une raffinerie d’une capacité totale de 20 000 b/j et d’un pipeline de 2 000 kilomètres. Mais pour le moment, le projet est bloqué en raison de la crise politique que traverse le pays. De plus, les Chinois pourraient faire machine arrière sur le projet de raffinerie qu’ils avaient pourtant proposé pour emporter le marché.
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