Brazzaville, capitale de l’Afrique centrale ?
La disparition du président gabonais Omar Bongo Ondimba, médiateur reconnu dans plusieurs conflits régionaux et « patriarche » des chefs d’État africains, laisse un vide que Denis Sassou Nguesso pourrait combler.
Qui donc va, en Afrique centrale, occuper la place laissée vacante le 8 juin à la suite du décès d’Omar Bongo Ondimba et devenir le médiateur et conseiller dont personne ne peut se passer ?
Le Camerounais Paul Biya, doyen en âge de toutes ces excellences ? « Le commerce de Biya n’est pas facile, répond un diplomate congolais proche de Sassou Nguesso. Toute sa politique consiste à jouer en solo. Il a toujours fait échec à l’intégration sous-régionale. » L’Angolais José Eduardo dos Santos ? Bien que son pays fasse partie de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et que son armée ait joué un rôle décisif dans la guerre civile qui frappa le Congo-Brazzaville en 1997, on le dit plus tourné vers l’Afrique australe. L’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, arrivé au pouvoir en 1979, la même année que Sassou I, qui a célébré ses trente ans ininterrompus de magistrature suprême le 3 août dernier ? Très fréquenté depuis que la Guinée équatoriale est entrée dans la cour des grands grâce aux revenus tirés du pétrole, Obiang Nguema demeure assez discret et a le désavantage de ne pas vivre en bonne intelligence avec certains de ses voisins immédiats. Ses détracteurs affirment que lui non plus ne travaille pas dans le sens de l’intégration des États d’Afrique centrale.
Reste alors Denis Sassou Nguesso, l’un des plus anciens dirigeants d’Afrique centrale. Dans son entourage, on soutient que Brazzaville, qui fut, sous la colonisation, la capitale de l’Afrique-Équatoriale française, peut redevenir celle de la diplomatie sous-régionale. Et que le président congolais « est le seul dans la sous-région à croire à l’intégration, dont il a toujours soutenu les initiatives ». Pour ses fidèles, le point de vue de Sassou Nguesso a toujours compté, rien ne se décidant sans qu’il ne soit consulté. Celui dont on dit qu’« il n’a jamais manqué la moindre rencontre continentale » est consulté régulièrement pour la résolution de conflits. Comme c’était le cas du vivant de Bongo.
« En dehors de Kadhafi, qui ne vient pas voir Sassou ?, s’interroge un conseiller diplomatique. Du temps de Bongo, il donnait son point de vue à ceux qui sollicitaient sa médiation tout en leur recommandant de ne pas oublier d’aller malgré tout à Libreville. On pourrait dire qu’il introduisait ses interlocuteurs chez Bongo. » Parmi ceux qui ont recouru à ses conseils se trouvent, notamment, les hommes politiques de la République démocratique du Congo, « toutes tendances confondues », précise le diplomate. Même les frères ennemis soudanais prennent régulièrement le chemin de Brazzaville.
Discret mais efficace
Mais à chaque homme sa méthode. Si Bongo était connu pour ses largesses financières, Sassou Nguesso n’a pas la réputation d’être un distributeur de billets de banque. « S’il donnait de l’argent comme le faisait Bongo, il est certain qu’on n’arriverait plus à fermer l’œil ici », indique un membre de son entourage. N’empêche. Le numéro un congolais dispose d’un vaste réseau de relations qui va du Nigeria à l’Afrique du Sud, du Ghana au Mozambique, de l’Angola au Cap-Vert… Un proche affirme qu’« il est très fidèle en amitié. C’est pourquoi il vient en aide à d’anciens chefs d’État ou aux familles de chefs d’État disparus. Il tient cela de Félix Houphouët-Boigny ».
Présenté comme quelqu’un préférant mener une diplomatie plutôt discrète mais efficace, le numéro un congolais serait, selon ses collaborateurs, « un homme qui a une vision de l’Afrique qui n’existe plus aujourd’hui, celle de la construction patiente ». Quoi qu’il en soit, le rôle « réservé » de feu Bongo Ondimba cherche preneur.
