Sept ans pour convaincre

Vie chère, agriculture atrophiée, manque d’infrastructures, tissu économique peu diversifié… Les chantiers sont nombreux pour le chef de l’État, réélu le 12 juillet.

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 29 septembre 2009 Lecture : 5 minutes.

Son précédent mandat était placé sous le signe de la « Nouvelle Espérance ». Celui qui commence est censé engager le pays sur le « Chemin d’avenir ». Le 14 août, le palais du Parlement de Brazzaville était archicomble. Raison de cette affluence : l’investiture, par la Cour constitutionnelle, de Denis Sassou Nguesso, proclamé vainqueur de la présidentielle du 12 juillet. Témoins de la cérémonie : une dizaine de ses pairs d’Afrique centrale et d’Afrique occidentale. On se serait attendu à une attitude réservée de ses partisans, déjà habitués à sa longue pratique du pouvoir. Au contraire. Ils n’ont pas manqué de manifester bruyamment leur allégresse, comme si c’était la première fois. Une façon, sans doute, d’exprimer au chef de l’État leur attachement au cours du septennat qui venait d’être inauguré. Lorsqu’on demande au commun des Congolais ce qu’il pense de l’action du président, la réponse est presque invariablement la même : « Il nous a apporté la paix. » Cette référence à la période trouble de la fin des années 1990 et du début du nouveau millénaire montre à quel point la guerre civile a marqué les esprits de ses compatriotes.

Remise des compteurs à zéro

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Tout en mettant le retour de la paix à son crédit, les Congolais ordinaires reconnaissent que leurs conditions de vie ne se sont guère améliorées.

Convaincus que le Congo n’est pas un pays sans ressources, ils attribuent leur état de pauvreté (plus de 50 % de la population) à une mauvaise redistribution de la manne pétrolière et à une gestion calamiteuse des deniers publics. Ils évoquent rarement la politique de la « municipalisation accélérée », principal cheval de bataille du précédent mandat et attendent toujours le moment où ils pourront profiter des fruits de la croissance qu’a connue l’économie congolaise ces dernières années. Le président réélu a entendu plus d’une fois ce discours lors de sa campagne électorale. Pour lui, il est temps de tourner la page, de « faire passer le Congo de l’espérance retrouvée à la prospérité soutenue ». Le nouveau projet de société s’articule autour de deux mots-clés : modernisation et industrialisation du pays. Autrement dit, il faut remettre les compteurs à zéro.

Objectivement, Denis Sassou Nguesso démarre son nouveau mandat dans un contexte politique qui lui semble favorable. Ce n’est un secret pour personne qu’il a réussi ces quatre dernières années à neutraliser ses principaux adversaires, lesquels ont préféré un ralliement en règle à une opposition stérile. Les alliances inattendues nouées avec un opposant aussi farouche, hier, que l’ancien Premier ministre Bernard Kolélas, leader du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) et, dans une certaine mesure, avec l’ex-président Joachim Yhombi-Opango l’ont beaucoup renforcé en lui laissant les coudées franches. Tout comme la renonciation à la lutte armée de Frédéric Bintsamou, dit Pasteur Ntumi, dans la région du Pool. L’annonce, le 14 août, d’un projet de loi d’amnistie en faveur de l’ancien président Pascal Lissouba – qui, condamné à perpétuité pour « crime économique » par la justice congolaise, vit en exil à Paris – pourrait produire le même effet. Conséquence, ce qui reste de l’opposition est très affaibli par l’absence d’un véritable leader et les contradictions récurrentes. Le processus démocratique en sort-il renforcé ? C’est une autre question.

Les conditions de la relance

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En prenant le pari de moderniser son pays et de l’industrialiser au cours des sept prochaines années, le président congolais devra, pour convaincre, relever de nombreux défis.

Parmi les plus urgents : opérer un changement radical des mentalités. Comme il l’a clamé dans son discours d’investiture, il s’agit de « faire admettre et adopter par les Congolais des comportements plaçant le travail au cœur des priorités collectives et individuelles, des comportements articulant liberté et responsabilité, propriété privée et solidarité ; des comportements de bon esprit civique et patriotique, d’acceptation de l’autorité impartiale de l’État et de lutte contre l’injustice, l’arbitraire et autres favoritismes ».

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Les actions à mener dans ce cadre sont délicates, car il s’agit de lutter contre la corruption, la fraude, le détournement des deniers publics… Sur ce chapitre, beaucoup de Congolais restent sceptiques. À l’instar de cette étudiante de l’université Marien-Ngouabi de Brazza­ville, pour qui « il n’y a rien de nouveau dans le discours présidentiel », les citoyens se demandent comment le chef de l’État peut sanctionner ses proches qui, d’après eux, s’illustrent dans les pratiques qu’il dénonce. Ce à quoi une « sassouiste » convaincue rétorque que, « cette fois-ci, il est déterminé à sévir pour que cela change ».

Du pain sur la planche…

Autre défi majeur à relever : la production et la distribution d’eau et d’électricité. Les citoyens les plus modestes n’ont de cesse de se plaindre des coupures régulières d’approvisionnement en eau et des délestages tout aussi fréquents. Pourtant, en matière d’énergie, le potentiel hydroélectrique du Congo est évalué à 2 632 mégawatts… mais la puissance installée n’est que de 150 mégawatts et, pire, le taux d’utilisation des capacités des unités actuellement en service, y compris une centrale à gaz et une centrale thermique, est de seulement 33 %. En attendant la mise en service de la première turbine du barrage d’Imboulou, en décembre (voir p. 87).

L’amélioration de la qualité de l’enseignement et des infrastructures d’accueil est une autre urgence. À Brazzaville, beaucoup d’établissements scolaires n’ont ni eau courante ni électricité. Quant aux résidences universitaires, elles laissent à désirer : pas de restaurant, des dortoirs surpeuplés (6 étudiants par chambre)… Prioritaire aussi, le secteur de la santé (voir pp. 90-92) : l’objectif est de promouvoir et de protéger, sur tout le territoire, la santé de la population et des collectivités et de garantir à tous l’accès à des services et à des soins de qualité, en renforçant les capacités du pays à gérer le système de santé national. À cet égard, un Plan national de développement sanitaire couvrant la période 2007-2011 est en cours.

Enfin, la question de l’emploi est, depuis longtemps, un sujet de mécontentement. Beaucoup de Congolais, dont nombre de jeunes, sont au chômage (voir p. 86). Faute d’entreprises en nombre suffisant, ceux qui sortent de l’université ou des centres de formation viennent grossir les rangs des oisifs. Denis Sassou Nguesso est convaincu « qu’industrialiser le pays est la solution appropriée à l’épineux problème du chômage avec son corollaire la pauvreté ; c’est la plus sûre garantie de création d’emplois ». Infrastructures de qualité, éducation et santé améliorées, création d’emplois grâce à l’industrialisation, nomination de personnes « qui soient exemplaires et de bonne éthique »… Bref, changer le Congo de fond en comble en impliquant tous et chacun dans une nouvelle dynamique visant le respect de certaines valeurs : Denis Sassou Nguesso a du pain sur la planche. Il a sept ans pour prouver que son « Chemin d’avenir » est un projet de société qui mène quelque part. 

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