Clearstream, une affaire africaine

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 29 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

« Ce que Nicolas Sarkozy cherche, dans cette affaire, c’est l’inéligibilité de Villepin. Une condamnation à cinq ans de privation des droits civiques, la jurisprudence Juppé en somme, le tarif ex-Premier ministre. Son objectif est clair : empêcher son rival d’être candidat en 2012 – et annihiler ainsi le risque de le voir grignoter le stock stratégique de 32 % des voix au premier tour qu’il estime indispensable pour gagner au second. Ne vous faites pas d’illusions : les histoires de vengeance personnelle et de croc de boucher, c’est pour la galerie. Si Villepin avait accepté de renoncer à toute ambition politique, Sarkozy aurait retiré sa plainte. ».

Cette analyse, d’autant plus séduisante qu’elle se veut informée aux meilleures sources, n’émane pas d’un avatar élyséen de deep throat, mais d’un chef d’État africain que l’affrontement shakespearien entre les deux hommes passionne et qui les connaît bien. Jusqu’en avril 2006 et l’échec cinglant de Domi­nique de Villepin, alors Premier ministre, sur le CPE (Contrat première embauche), lui et ses pairs de l’ex-pré carré francophone avaient, au vrai, beaucoup hésité. Qui soutenir en vue de la présidentielle de 2007 ? « Pour nous, au début, poursuit notre chef d’État, Villepin-Sarkozy, ça rappelait beaucoup Chirac-Balladur en 1995. » Par empathie gaulliste, et même si l’intérêt du fringant Dominique pour le continent était avant tout une affaire d’objets d’art, la Françafrique eut donc pour lui les yeux de Chimène.

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Mais le retrait contraint et humiliant du CPE, les sondages catastrophiques et l’isolement politique croissant du voltigeur Villepin allaient très rapidement faire comprendre à un homme aussi subtil qu’Omar Bongo Ondimba que cet étalon-là n’était pas le bon. Entre septembre et novembre 2006, la messe était dite. Le Gabonais, qui, jusque-là, fidèle à sa stratégie d’équanimité, soutenait les deux rivaux à la fois, basculait avec conseils, réseaux, armes et bagages du côté de l’hôte de la Place Beauvau.

Ce virage bongoesque, qui eut pour corollaire simultané celui de l’avocat Robert Bourgi, longtemps très proche de Dominique de Villepin, a été suffisamment déterminant pour que Nicolas Sarkozy se sente par la suite tenu de pratiquer un renvoi d’ascenseur assidu. Comment expliquer autrement la présence de Paul Toungui et de Pascaline Bongo au premier rang des invités au congrès d’investiture du candidat de l’UMP, puis le coup de fil passé au père de cette dernière par le nouveau président au soir de son élection, le limogeage de Jean-Marie Bockel, les remises de dettes accordées à Libreville et à Brazzaville, la légion d’honneur épinglée sur la poitrine du « cher Robert », et jusqu’à cette stupéfiante mission, aussi secrète que foccartienne, confiée à Alain Joyandet à la veille de la présidentielle gabonaise. Le secrétaire d’État à la Coopération s’est rendu seul à Malabo, écartant au passage l’ambassadeur de France, afin de délivrer en tête à tête au président Obiang Nguema un message précis de Nicolas Sarkozy : la France vous demande de ne plus soutenir André Mba Obame, l’homme qui peut battre Ali Bongo Ondimba.

Le récent « recadrage » de Robert Bourgi, rendu public par le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant lui-même – mais essentiellement formel, puisque l’avocat d’affaires demeure conseiller à condition d’éviter désormais de s’exprimer dans les médias –, n’a donc rien à voir avec une quelconque volonté sarkozienne de se désengager d’une diplomatie africaine parallèle, à laquelle le président français a été initié dès avant son élection.

Les choses auraient-elles été différentes si Dominique de Villepin n’avait pas connu son Waterloo en avril 2006 ? Sans doute pas. Bien au contraire. Outre le fait que DDV avait déjà les pieds et les mains plongés dans la calebasse françafricaine, l’ex-Premier ministre a toujours été un homme de « coups ». « Combien de fois l’ai-je vu débouler lors d’une réunion convoquée par Chirac avec à la bouche un ragot, une rumeur ou un plan fumant sur tel ou tel, confie un ancien conseiller de l’Élysée. Chaque fois, le président lui disait de se méfier et de vérifier. En général, Villepin n’allait pas plus loin. Mais pas toujours. J’imagine que, en ce qui le concerne, l’affaire Clearstream a dû commencer comme ça… »

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