John Githongo : illusions perdues ?
Pour ce militant kényan de la bonne gouvernance, le prix de son courage a été l’exil.
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Sans doute ne reverra-t-on jamais John Githongo, 44 ans, à un poste haut placé au sein d’un gouvernement kényan. On se souvient de son expérience désastreuse entamée en 2003 à l’heure où, après une alternance historique, tout semblait possible à Nairobi. Nommé secrétaire permanent de la bonne gouvernance et de l’éthique par le président Mwai Kibaki, Githongo a dû jeter l’éponge deux ans plus tard, confronté à une classe politique globalement corrompue.
« Des ministres, mes plus proches collègues, se sont assis en face de moi et m’ont dit que c’était eux qui volaient. Après avoir entendu cela, j’ai su que je devais partir », a-t-il déclaré à son amie l’écrivaine Michela Wrong (The Africa Report n° 16, avril-mai 2009), avec laquelle il a récemment publié It’s Our Turn to Eat (« C’est notre tour de manger »), un livre sur son expérience dans le marécage politico-affairiste. Craignant pour sa vie, Githongo a démissionné et fui le Kenya pour se mettre à l’abri à Londres.
Aujourd’hui, il ne croit plus à l’action des commissions d’éthique et autres organismes financés ou adoubés par les États. Comment espérer, en effet, que ceux qui « mangent » le plus se mettent au régime ? Pour lui, la création d’agences de lutte contre la corruption dans les années 1990 a permis à la classe politique de plusieurs pays africains, dont le Kenya, de s’abriter derrière des coquilles vides, dépourvues de pouvoir. Du coup, il propose un retour à l’action individuelle. Au quotidien kényan The Standard il déclarait ainsi : « Pour combattre la corruption, il faut avoir les wananchi [« citoyens », NDLR] de son côté et qu’ils soient prêts à prendre des risques pour rendre leur pays meilleur. Ceux qui ont pillé le Kenya ne sont guère nombreux, même s’ils ont avec eux une armée de complices. Nous parlons là de quelques politiciens et hommes d’affaires qui se sont gavés avec les ressources nationales comme des vautours sur une carcasse à une époque de sécheresse. »
Poursuite du combat depuis Londres
Il est vrai que la coalition au pouvoir depuis plus d’un an au Kenya est soupçonnée de n’avoir qu’une ambition : se partager le gâteau quand le pays a faim. Détournement d’essence, abus dans la distribution de farine de maïs : deux scandales de grande ampleur qui ont défrayé la chronique en 2009.
Aujourd’hui, l’ancien journaliste diplômé en économie et en philosophie de l’Université du pays de Galles à Swansea, ancien patron de la branche kényane de Transparency International, continue de fustiger, dans ses nombreuses interventions, le manque de probité des dirigeants kényans. Ainsi s’est-il violemment emporté, au début de septembre 2009, contre la nomination par Mwai Kibaki – jugée illégale depuis – du magistrat retraité Aaron Ringera au poste de directeur de la Kenya Anti-Corruption Commission (KACC). Ce même Aaron Ringera lui avait à l’époque conseillé de ne point trop s’épancher sur un dossier explosif – l’affaire Anglo-Leasing –, sans quoi il lui en coûterait…
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