Unesco: Hosni soit qui mal y pense
« Les délégués des pays membres de l’Unesco méritent tous d’être diplômés en sciences du mensonge et de la manipulation. » Cette cruelle sortie d’un candidat malheureux au poste de directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture semble pertinente si l’on en juge par la rocambolesque élection en cinq tours, qui a permis, le 22 septembre, à la Bulgare Irina Bokova de battre sur le fil le candidat égyptien, Farouk Hosni.
Donné jusque-là favori, en dépit d’accusations récurrentes d’antisémitisme véhiculées par des intellectuels juifs, Hosni était amer au lendemain de sa défaite. Parlant de « trahison », le ministre égyptien de la Culture, soutenu officiellement par l’Union africaine et la Ligue arabe, comptait sur l’appui de plusieurs grands États européens, dont l’Italie et la France, qui héberge à Paris le siège de l’Unesco. « Il y a des pays qui font le contraire de ce qu’ils disent », déplorait le candidat déçu à son retour au Caire, où la presse dénonce le « choc des civilisations » entre l’Occident et le monde musulman et « une victoire féroce du sionisme ».
Coiffé au poteau par trois petites voix de différence, Farouk Hosni avait pourtant récolté 22 suffrages sur 58 au premier tour de scrutin, contre 8 à sa rivale bulgare, dont on n’a commencé à évoquer les chances de succès que quelques jours avant le vote. « Deux voix nous ont été prises », s’est indigné le premier candidat du monde arabo-musulman à pouvoir prétendre à la direction de l’Unesco et à la gestion de ses 300 millions de dollars annuels de budget.
Taxé d’antisémitisme pour des déclarations qu’il a publiquement regrettées, accusé d’avoir toléré la censure intellectuelle dans son pays, Hosni a payé le prix d’une virulente campagne de presse orchestrée depuis plusieurs mois, notamment en France, sous l’impulsion de l’essayiste Bernard-Henri Lévy. La polémique autour de sa personnalité a également suscité des candidatures de dernière minute, dont certaines semblent avoir été présentées exclusivement pour lui barrer la route.
Enfin, pour corser l’amer brouet de la défaite, ses adversaires ont distillé des rumeurs de corruption autour de la délégation égyptienne. Le 21 septembre, au moins une personne a été expulsée manu militari du siège de l’Unesco, place Fontenoy, par les services de sécurité pour avoir tenté de soudoyer un délégué votant. « L’Unesco vient d’échapper à un désastre moral », a commenté, soulagé, le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel, l’un des partisans acharnés du « tout sauf Hosni ».
Hosni écarté, il revient désormais à Irina Bokova, successeur du Japonais Koïchiro Matsuura, de prendre les rênes de l’Unesco au terme de la première vraie campagne politique qu’a connu cette organisation.
Ironie de l’Histoire, vingt ans après la chute du mur de Berlin, cette diplomate de 57 ans, ex-apparatchik du Parti communiste bulgare, dont son père était l’un des caciques, a été soutenue par Washington et par la quasi-totalité des pays de l’Union européenne. Logiquement, son élection fait grincer des dents à Sofia, dans les rangs des anticommunistes historiques. En revanche, l’accession d’une femme à ce poste prestigieux est largement saluée dans les couloirs de l’institution. « Il était temps qu’une femme soit élue », se félicite ainsi Ivonne Baki, l’ex-candidate équatorienne. Radieuse en apprenant sa victoire, Bokova a assuré vouloir promouvoir « un nouvel humanisme » et « tendre la main » au monde musulman. À l’Unesco, la parité homme-femme a progressé. La parité Occident-Orient attendra encore.
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