Rupture de jeûne à Pékin

Dans le sud-est de Pékin, au cœur du district de Xuanwu, la ville change de couleur. Du rouge dominant, on passe brutalement au vert, qui s’affiche partout. 

Publié le 22 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Nous sommes dans le quartier historiquement musulman de la capitale chinoise, lequel rassemble quelque dix mille personnes – la plus importante communauté musulmane de Pékin, la capitale aux seize millions d’habitants. Ici, les immeubles sont de taille humaine, vaguement décrépis. Et dans les restaurants, dont les noms sont souvent écrits en arabe, on mange une fameuse fondue au mouton, très épicée.

Il est 17 heures et les femmes se hâtent de faire leurs courses aux échoppes de viande halal. Dans le quartier, difficile de distinguer les musulmans à leur apparence vestimentaire. Les Huis (la plus grande ethnie musulmane de Chine) se mélangent aux Hans (l’ethnie majoritaire), et il n’y a guère que les hommes de plus de 60 ans qui portent la calotte blanche, signe d’appartenance à l’islam. Les femmes, quant à elles, ne sont pas voilées. « La Chine est officiellement athée, et c’est mal vu de porter un foulard. Je préfère ne pas me faire remarquer », explique une jeune femme. Plus loin, un étudiant à lunettes commente la souplesse de sa pratique de l’islam. « Être musulman, pour moi, c’est plus une affaire de culture… Je vais parfois à la mosquée pour faire plaisir à mon grand-père mais je ne jeûne pas, c’est trop dur ! Je sors avec des filles qui ne sont pas forcément musulmanes… En fait, la seule chose que je respecte vraiment, c’est de ne pas manger de porc ! » Et de s’esquiver avec un rire gêné quand on lui demande s’il va prier aujourd’hui.

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En partant, le jeune homme désigne un haut mur gris derrière lequel on distingue une enfilade de toits traditionnels. Un temple ? En dépit des apparences, il s’agit d’une mosquée, la plus ancienne de la capitale : Niujie Libai Si (« la mosquée de la rue du Bœuf »), où les Huis se réunissent depuis plus de mille ans. Une fois passé l’entrée où deux femmes portant un discret foulard font l’aumône avec leurs enfants sur leurs genoux, le bruit extérieur s’estompe et le calme règne en maître. Transportant silencieusement de l’eau dans des seaux, des femmes âgées et hautes comme trois pommes semblent glisser sur le sol.

Architectures chinoise et islamique

Fondée en 996 par Nazruddin, un savant arabe fonctionnaire de la dynastie Liao, la mosquée s’est agrandie au fil des siècles, s’étendant aujourd’hui sur 6 000 m². Construite en bois, elle regroupe notamment un observatoire, des bains, une salle de prière pour femmes, une école coranique et mêle les architectures chinoise, à l’extérieur, et islamique, à l’intérieur. Dans la cour principale, près de la grande salle de prière, qui peut accueillir plus de mille fidèles, une cinquantaine d’hommes âgés discutent en chuchotant. Sur des tables, des jeunes gens disposent les victuailles qui serviront à la rupture du jeûne. Tous portent la calotte blanche.

Li Wang, un sexagénaire au visage parcheminé, me demande si je suis musulmane. Il veut me montrer des reliques et des tablettes écrites en arabe en l’an 1240 et m’explique que les versets du Coran sont gravés sur deux des vingt et une arches de la salle. Les vieillards présents sont ravis que l’on s’intéresse à leur religion. « C’est difficile de conserver nos traditions dans une grande ville comme Pékin. Dans notre quartier, il y a de plus en plus de Hans, de boutiques d’alcool et de cigarettes. » Soudain, tous se lèvent comme un seul homme et entrent dans la salle de prière. L’imam vient d’arriver. Un « Allah Akbar ! », haut perché et puissant, se met alors à vibrer dans le ciel de Pékin.

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