Guinée : l’inquiétude gagne les milieux d’affaires

Face aux incertitudes politiques et économiques dans le pays, les entrepreneurs guinéens et les investisseurs étrangers évoluent avec difficulté.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 22 septembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Pas facile d’être chef d’entreprise sous la junte militaire à Conakry. En témoigne la tentative d’enlèvement manquée du DG de Total-Guinée, le 16 septembre, par une poignée de militaires guinéens. Si les autorités ont promis de radier ces soldats de l’armée, ce nouvel évènement ne contribue pas à apaiser un climat des affaires qui nécessite déjà une bonne dose d’entregent et une grande rigueur budgétaire pour les patrons travaillant avec l’État. De la prise du pouvoir en janvier 2009 et jusqu’en avril dernier, il fallait que toutes les factures à payer par celui-ci soient visées par le président de la République lui-même, entraînant un empilement de documents en souffrance venus de tout le pays sur le bureau de Dadis Camara. Cette centralisation à l’extrême des paiements de l’État a entraîné l’étranglement financier de quantité d’entrepreneurs guinéens liés aux marchés publics.

C’est grâce à ses talents de diplomate que Pierre Lama, patron d’une agence de voyages qui organise les déplacements des ministères de la Défense, des Affaires sociales et de la Jeunesse, est parvenu à faire honorer ses factures par l’État et à maintenir son activité à flot. « À la fin juin, témoigne-t-il, nos encours d’impayés s’élevaient à 6 milliards de francs guinéens [820 000 euros], un montant insoutenable pour une petite entreprise comme la nôtre. Jusqu’au jour où j’ai refusé d’avancer les sommes pour un déplacement de l’équipe nationale de football au Malawi. Le ministre de la Jeunesse m’a alors emmené devant le président Dadis Camara, qui, après avoir écouté ma requête, a épuré une partie des impayés et promis d’en régler le solde. » Et si aujourd’hui chaque ministre peut engager les dépenses de son ministère, les entreprises hésitent à accepter les contrats publics.

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Pour se prémunir contre de tels risques, l’entreprise française de travaux publics Satom a pour règle de ne travailler dans le pays que sur des financements extérieurs. Mais cela ne l’empêche pas, elle aussi, d’être inquiète. À la suite de la décision de Dadis Camara de se présenter à l’élection présidentielle, les partenaires de la Guinée comme la France et l’Union européenne pourraient décider de ne pas continuer à financer les projets d’infrastructures tels que les ponts et les routes. « Nous venons de gagner un contrat de construction d’un échangeur financé par la Commission européenne. Cette dernière engagera-t-elle encore la somme maintenant que Dadis Camara est candidat à la présidentielle ? », s’interroge un cadre expatrié de Satom. 

Tenir jusqu’à la présidentielle

Mais c’est dans l’import-export que les entreprises souffrent le plus. « Mon chiffre d’affaires a baissé de près de 60 %, explique Aboudé Bouchara, importateur de matériel électronique et informatique. Les entreprises et les particuliers ont peur d’investir tant que les élections ne sont pas passées. » Les importateurs qui faisaient venir jusqu’à dix conteneurs par mois au port de Conakry n’en importent plus que deux ou trois pour éviter d’immobiliser leur trésorerie pendant le stockage. Pour tous les entrepreneurs, l’incertitude politique est le principal frein au développement économique. Il faudra donc attendre les élections de janvier 2010 pour espérer voir le potentiel guinéen se libérer.

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