Mohamed Nouri Jouini : « Nous gardons le cap sur l’ouverture »
Malgré la conjoncture mondiale, qui affecte la plupart de ses partenaires, le pays est optimiste. Après un fléchissement en début d’année, les implantations et les investissements étrangers se poursuivent. Dans certains secteurs, ils s’accélèrent.
1987-2009 Les années Ben Ali
Nommé au portefeuille du Développement et de la Coopération internationale en 2002, Mohamed Nouri Jouini est, à 48 ans, à la tête d’un département dont le rôle est central en termes de gestion macroéconomique, de planification et de soutien à l’investissement extérieur. Formé aux sciences de la décision aux États-Unis, il a notamment été le conseiller économique du chef de l’État puis secrétaire d’État à la Privatisation.
Jeune Afrique : Quel a été l’effet de la crise sur l’ouverture du pays ?
Mohamed Nouri Jouini : La crise n’a pas freiné le processus d’ouverture de l’économie tunisienne. Bien au contraire, elle a incité le gouvernement à persévérer sur la voie de l’intégration à l’économie mondiale. D’ailleurs, c’est grâce à l’élan de réformes sans relâche depuis deux décennies sur la voie de la libéralisation que la Tunisie est parvenue à asseoir de solides fondements qui lui ont permis de renforcer sa capacité de résistance aux chocs exogènes. Et nous persévérons sur la voie de l’ouverture, même en pleine période de crise.
Ainsi, la majorité des mesures structurelles repose sur des réformes liées à la réduction de la protection tarifaire, à la facilitation des procédures du commerce extérieur, à la promotion des exportations, à l’adoption des normes internationales, ainsi qu’à l’amélioration de l’environnement des affaires.
Comment la Tunisie s’en sort-elle cette année ?
Mieux que prévu. Elle s’en sort pas mal, grâce aux mesures décidées depuis le dernier trimestre de 2008 et au suivi permanent effectué par une commission nationale, décidée par le président Ben Ali et présidée par le Premier ministre. Cette commission, qui comprend des membres du gouvernement, des organisations professionnelles et des experts, assure une veille continue et est prête à proposer les mesures nécessaires pour faire face à la crise.
Durant cette crise, nous avons tenu un discours très franc avec les Tunisiens, avec les patrons, avec les syndicats et avec les partenaires étrangers. Nous avons pris des mesures pour atténuer son impact et pour compenser la baisse des échanges extérieurs par un accroissement de l’investissement.
La crise a-t-elle eu des effets positifs ?
La Tunisie a réussi à tirer profit de cette conjoncture en drainant, en pleine période de crise, des investisseurs étrangers de renommée internationale dans des secteurs porteurs. Cette attractivité s’est manifestée à travers la multitude des projets d’investissement et de partenariat qui ont été conclus avec des entreprises étrangères : la création d’un parc aéronautique, l’entrée en production de grands projets à haute valeur ajoutée dans les secteurs des composants automobiles et du textile, ainsi que l’octroi d’une licence de téléphonie fixe et mobile de troisième génération à un consortium tuniso-français.
Cette dynamique a favorisé l’entrée en production, durant le premier semestre de 2009, de 93 nouvelles entreprises à participation étrangère et la réalisation de 104 opérations d’extension, qui ont permis la création de 6 200 nouveaux emplois, dont plus de 5 700 dans l’industrie manufacturière.
Quelles sont les perspectives pour le pays ?
Il y a des signes positifs. Nous sommes dans une phase de stabilisation et, même, de début de relance au niveau mondial. Pour la Tunisie, cela se traduit par des commandes plus importantes dans plusieurs secteurs. C’est donc positif. Après environ 3 % en 2009, nous espérons un début de retour aux taux de croissance normaux, de 4 % à 5 %, en 2010. À partir de 2011, nous nous attendons à un taux de croissance similaire à celui d’avant la crise, c’est-à-dire 6 %, qu’il nous faudra d’ailleurs encore améliorer.
Comment se sont comportés les investissements directs étrangers (IDE) ?
Globalement, il y a une baisse. Mais c’est normal, cette dernière étant due essentiellement à l’énergie. En revanche, et malgré la crise, les IDE dans les industries manufacturières ont connu une hausse de 15 %. C’est un mérite, parce que la compétition dans ce secteur est plus forte.
Mieux encore : depuis deux ou trois ans, nous observons que la qualité de l’investissement s’améliore. Et c’est le cas pour 2009 et 2010, avec de nouveaux investissements dans des secteurs et créneaux tout à fait inédits, comme le textile haut de gamme, l’aéronautique, la microélectronique, la production de logiciels et les services informatiques, où des leaders mondiaux installent en Tunisie des plates-formes de compétence.
À propos d’IDE, les grands projets immobiliers financés par des groupes du Golfe ont beaucoup fait parler d’eux (voir pp. 72-73). Où en sont-ils aujourd’hui ?
Trois sont en cours de réalisation sur la région de Tunis. Pour Tunis Sports City, les travaux sont en cours. C’est aussi le cas pour le pôle financier. Et les travaux pour Telecom City doivent démarrer prochainement.
Mais les travaux sur les berges du lac sud de Tunis pour le projet Porte de la Méditerranée, où Sama Dubai disait vouloir investir plus de 25 milliards de dollars, sont en arrêt…
Le groupe concerné n’a pas renoncé au projet : il y a un retard en raison de difficultés inhérentes à la crise financière mondiale, et il a demandé un délai par rapport au calendrier initial.
Et comment évolue le projet de la filiale d’Airbus au sein du nouveau parc aéronautique ?
Il avance conformément au calendrier fixé. Nous sommes dans la phase du démarrage de l’implantation.
Y a-t-il d’autres grands chantiers programmés ?
Ce que je peux vous dire au stade actuel, c’est que nous travaillons avec un grand sérieux sur plusieurs projets, notamment cinq grands projets qui doivent être implantés dans différentes régions du pays, en plus de Tunis. Ils ne concernent pas seulement le développement immobilier, mais aussi le domaine de l’énergie, du dessalement de l’eau de mer, de l’environnement, des infrastructures et des zones logistiques.
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