Hold-up et black-out
Quelque dix-neuf milliards de F CFA – au très bas mot – détournés à la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), un vrai buzz sur les sites Internet de la région, la une de plusieurs quotidiens camerounais et tchadiens, des radios et télés internationales qui reprennent l’info en boucle et… rien.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 21 septembre 2009 Lecture : 1 minute.
Notre enquête exclusive – et largement reprise –, publiée en une la semaine dernière, n’a suscité strictement aucune réaction de la part des gouvernements concernés : ni de celui de la Beac ni de ceux des six pays membres. Certes, sous la chape de plomb d’une omerta un peu honteuse, on s’agite, on se téléphone, on spécule. Une enquête interne a ainsi été déclenchée au sein de la Banque, et deux chefs d’État au moins se sont manifestés indirectement – auprès de notre rédaction. Objectif : savoir qui nous a informés, comment nous nous sommes procuré les documents en notre possession, d’où proviennent les fuites, et, surtout, qui est notre commanditaire occulte. Sans attendre, les premiers jugements pleuvent, définitifs : « c’est une campagne pour fragiliser Ali », « vous salissez la mémoire du Vieux », « avez-vous remarqué qu’aucun Équato-Guinéen n’est cité dans l’enquête ? », « les Français ont “balancé” pour préparer une dévaluation du franc CFA », etc. Autant de fausses pistes, directement issues d’une double incapacité : l’incapacité à s’extraire des schémas prêts à penser de la théorie du complot et l’incapacité, pour les dirigeants politiques et économiques de l’Afrique centrale, à prendre réellement en mains leurs responsabilités communautaires.
Au lieu de s’interroger à l’infini sur les motivations des coupables – à savoir nous, les journalistes, et non ceux qui ont détourné des milliards d’argent public ! –, les responsables de la région feraient mieux de profiter du scandale pour mettre un terme à l’opacité qui entoure la Beac, ses règles de nomination et de fonctionnement. Le sommet des 29 et 30 novembre prochain à Bangui leur en offre l’occasion. Sauront-ils la saisir ? Encore faudrait-il, pour cela, qu’ils s’entendent. Quant à nous, conscients de n’avoir révélé que la partie émergée d’un iceberg de mal-gouvernance, nous nous réservons le droit de… récidiver.
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