Brazza à l’heure de la sape

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 15 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Chaque année, le 15 août, le Congo-Brazzaville célèbre la fête nationale. À cette occasion, tout le pays vit au rythme de ce qui se passe dans la capitale, où est organisé un défilé civil et militaire. Mais, en 2004, inspirées quelque peu par l’exemple de leurs voisins gabonais, les autorités congolaises optent pour une célébration tournante. Objectif affiché : permettre à l’arrière-pays de se développer dans le cadre de la « municipalisation accélérée ».

L’expérience commença par Pointe­-Noire (Sud-Ouest), avant de se poursuivre à Impfondo (Nord-Est) en 2005, à Dolisie (Sud-Ouest) en 2006 et à Owando (Centre) en 2007. Puis retour à Brazzaville en 2008 et 2009. Toutes ces cérémonies ont un point commun : une longueur démesurée. C’est comme si l’ensemble des Congolais avait décidé de défiler. Pourquoi les organisateurs, plutôt que de retenir des dizaines de milliers de personnes sous un soleil déchaîné des heures durant, ne pourraient-ils pas s’en tenir au seul défilé militaire, qui a effectivement quelque chose de spectaculaire ? Au lieu de cela, ils font parader toutes les « forces vives de la nation » avant de se rendre compte que les choses traînent en longueur. C’est alors qu’ils interrompent brutalement le défilé, frustrant ainsi une partie desdites « forces vives ».

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Mais il y a des privilégiés, des indispensables, ceux sans lesquels le défilé du 15 Août perdrait son identité. Ce sont les sapeurs, cette espèce rare passée maître dans l’art du paraître et qui veut faire croire que le vêtement de marque est une preuve de réussite sociale. Chaque année, le 15 août, les sapeurs, c’est-à-dire les membres de la Sape, la fameuse Société des ambianceurs et des personnes élégantes, ont leur quart d’heure de gloire. Lorsqu’ils avancent, la mine patibulaire, la démarche chaloupée, le geste théâtral, canne à la main, cigare ou pipe entre les dents, vêtus de redingotes, de kilts écossais, de vestes aux couleurs rutilantes, de casques coloniaux, les sapeurs congolais sont un vrai spectacle. C’est l’excentricité en marche. Les badauds, tout comme les officiels, sont aux anges : ils applaudissent, se tiennent les côtes. Revigorés, se sentant plus qu’utiles à la société, les adeptes de la sapologie – ou de la sapelogie, c’est selon – montrent les griffes prestigieuses qui mettent leurs corps en valeur. Leurs dieux s’appellent Cerruti, Gianni Versace, Yohji Yamamoto, Louis Vuitton, J.M. Weston, Gianfranco Ferré, Moschino, Dolce & Gabbana, Hugo Boss, Gucci, Giorgio Armani, Valentino, Prada, Salvatore Ferragamo, Fendi et tant d’autres.

Démontrer sa réussite en Europe

Ils sont fiers de porter ces marques qui coûtent les yeux de la tête et restent inaccessibles au plus grand nombre – la majeure partie de la population congolaise vit avec moins de 1 dollar par jour. Leur souci : démontrer à leurs compatriotes qu’ils ont réussi en Europe, là où certains d’entre eux ont vécu. De quoi susciter des vocations au départ pour cet eldorado où l’on peut avoir les moyens de s’habiller avec une telle élégance. Mais il ne viendrait pas à l’esprit des sapeurs de parader en Alphadi, Xuly Bët ou Pathé’O, ces créateurs africains dont le talent est pourtant reconnu.

À Brazzaville, les sapeurs ont un président d’honneur en la personne du ministre de la Communication, Alain Akouala. Lors de chaque défilé du 15 Août, ce dernier se lève toujours pour les saluer chaleureusement. Les jours ordinaires, beaucoup d’entre eux, désœuvrés, se pavanent dans les rues de Brazzaville, attirant ainsi des groupes de jeunes émerveillés. À moins qu’ils ne philosophent sur leur sujet favori : la sape est-elle née à Brazzaville ou à Kinshasa ?

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