Des extraterrestres victimes de l’apartheid

D’habitude, dans les films de science-fiction, ce sont les hommes qui sont menacés par les habitants des autres planètes. Dans le film de Neill Blomkamp, c’est l’inverse. Et c’est bien plus réaliste !

Renaud de Rochebrune

Publié le 15 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

C’est un film de science-fiction à grand spectacle, avec force trucages et abondance de scènes d’action. Son sujet est classique : une rencontre, sur notre Terre et à une époque mal définie mais plus ou moins contemporaine, entre l’humanité et des milliers d’extraterrestres voyageant dans un vaisseau spatial. Banal ? En réalité, rien n’est vraiment classique dans District 9.

Loin d’être comme à l’accoutumée des créatures hostiles et dangereuses pour l’homme, ces aliens sont avant tout des êtres pacifiques et déboussolés. L’action se déroule vingt ans après leur arrivée, dans le sud du continent africain, à Johannesburg. Leur gigantesque soucoupe volante est immobilisée en position géostationnaire au-dessus de la ville. Vagues hybrides d’insecte et de crustacé que les Terriens surnomment « les crevettes », les extraterrestres sont parqués, depuis qu’ils sont descendus au sol, dans un gigantesque ghetto entouré de barbelés, le « District 9 », qui donne son titre au film. Enfermés là, ils sont la proie de trafiquants nigérians, les seuls humains à oser vivre à leur contact. Rackettés sous couvert de troc, ils échangent de la nourriture pour chat, dont ils raffolent, contre des armes ultrasophistiquées qu’eux seuls peuvent utiliser. Mais, à la demande des habitants de la ville, que la présence des aliens indispose, les autorités décident d’éloigner ceux-ci davantage et de les enfermer dans un nouveau camp, encore plus exigu et à tous égards très peu accueillant.

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La multinationale chargée de réaliser ce transfert, la MNU, envoie l’un de ses agents, Wikus Van der Merwe, pour le superviser. À la suite d’un incident improbable survenu lors de cette opération difficile à mener en raison de la résistance des extraterrestres – lesquels se préparent en secret à retourner dans leur vaisseau spatial –, l’agent en question voit son ADN infecté par celui des « crevettes ». Il commence à se métamorphoser lentement en alien. Ses employeurs découvrent alors qu’il est devenu un homme précieux qui peut faire leur fortune : il a acquis, en même temps que son nouveau capital génétique, la faculté d’utiliser les armes des extraterrestres… Ce qui intéresse aussi, bien entendu, le gang des Nigérians.

L’essentiel du film se résume donc, à partir de là, à une double chasse à l’homme pour s’emparer de Wikus et mettre la main sur ses capacités hors norme. 

Allégorie

Tout le monde l’aura compris : sous couvert d’une œuvre de science-fiction par ailleurs fort réussie, le réalisateur Neill Blomkamp nous propose une allégorie de l’apartheid. Avec, dans le rôle des Noirs, ces aliens victimes d’une terrible ségrégation. Le tournage du film dans un quartier périphérique de Soweto, à Tshiawelo, où une population de Noirs sud-africains a vécu pendant des décennies dans des cabanes bâties sur un site d’enfouissement de déchets, démontre si nécessaire l’intention de l’auteur.

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Mais le sujet de District 9 ne se résume pas à cette dénonciation tardive. Car le racisme et la xénophobie qu’il montre peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’Afrique du Sud contemporaine, aux prises avec des centaines de milliers d’immigrés venus des pays voisins. Ou encore au monde entier, qui a quelque mal à accepter les conséquences de la mondialisation, notamment en termes de mouvement des populations, de respect des minorités et de transfert de technologies.

Ce qui, toutes proportions gardées, nous vaut un film à la Spielberg. Pas mal, même si l’on peut regretter quelques clichés inutiles (faut-il nécessairement que les malfrats africains soient toujours nigérians ?), pour le premier long-métrage d’un cinéaste de moins de 30 ans, jusque-là connu seulement pour ses clips publicitaires. 

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