« Al Qaïda au Maghreb Islamique est en retrait »

Conseiller du président de Geos, société de conseil et de gestion des risques des entreprises, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme à la DST française.

Publié le 14 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Où en est Al-Qaïda au Maghreb ­islamique (AQMI) ?

Louis Caprioli : Elle est incontestablement en retrait. Entre le 11 avril 2007 et août 2008, sa montée en puissance avait été impressionnante, en Algérie, avec des attaques kamikazes contre des cibles symboliques de l’État, des services de sécurité et des institutions internationales. Mais, depuis, on assiste à un retournement complet de la situation : les groupes opérationnels sont anéantis dans les maquis, les réseaux logistiques démantelés, des émirs importants sont abattus, capturés ou se sont rendus.

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Abdelmalek Droukdel est-il à la hauteur de ses ambitions maghrébines ?

Le projet initial de l’émir de l’AQMI était de mener le djihad dans l’ensemble du Maghreb et du Sahel. Son allégeance à Ben Laden devait lui permettre de devenir le fédérateur de la mouvance salafiste combattant dans cette zone. Deux ans et demi après la création de l’AQMI, en février 2007, l’objectif n’est pas atteint et ne le sera pas. Les principaux mouvements terroristes, qu’ils soient libyens, tunisiens ou marocains, n’ont pas fait allégeance à l’émir algérien, et seules des individualités ont rejoint son organisation.

Qu’en est-il de son recrutement et de son approvisionnement en armes ?

L’AQMI est confrontée à un phénomène d’érosion. Ses dirigeants disparaissent, la privant de cadres et de stratèges. Ses réseaux de soutien étant sans cesse démantelés, sa stratégie de recrutement s’effondre. Plus de dix-sept ans de djihad ont abouti à une impasse, ce qui explique le faible nombre de volontaires pour monter au maquis. L’efficacité de la lutte militaire et du renseignement ainsi que les mesures d’ordre politique ont asphyxié progressivement le mouvement terroriste.

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Par ailleurs, les maquis encore existants sont concentrés à l’est et au sud-est de l’Algérois, et la capitale, qui ­demeure la cible privilégiée, paraît inaccessible aux terroristes. Pour survivre, l’organisation a besoin d’une logistique en armement et en fonds. C’est pourquoi la région du Sahel, depuis la Mauritanie jusqu’au Tchad, est devenue stratégique pour ses divers trafics, pour l’enlèvement de touristes, libérés contre rançon, et pour les achats ­d’armes. De nombreux convois de matériel ont été neutralisés par l’armée algérienne, privant les maquis des explosifs nécessaires à la réalisation d’attentats spectaculaires.

Quelle est l’attitude de la population ?

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Les Algériens ont massivement rejeté le terrorisme et se préoccupent surtout de l’amélioration de leurs conditions de vie. Le mythe de l’État islamique s’est effondré. L’avenir n’est plus dans le djihad.

Le Maroc et la Tunisie sont-ils vraiment épargnés ?

Depuis les attentats de Casablanca de mai 2003, le Maroc a dû faire face à des tentatives d’attentat qui ont échoué grâce à un travail de renseignement en amont et, parfois, comme en mars 2007 dans la même ville, en raison de l’inexpérience et de l’absence de leadership des réseaux terroristes, pourchassés et neutralisés en permanence. Si la menace n’a pas disparu, elle s’est considérablement réduite.

En Tunisie, la mouvance djihadiste n’a pas réussi à ­s’implanter, et les quelques opérations menées [à ­Djerba, le 11 avril 2002, NDLR] ou tentées [à Tunis, fin 2006-début 2007] ont surtout été l’œuvre de terroristes provenant de l’extérieur.

Certes, un faible nombre de terroristes marocains ou tunisiens ont rejoint l’AQMI pour aller en Irak ou acquérir une formation, mais cette organisation n’a pas de commandement unifié avec des mouvements djihadistes des pays du Maghreb et du Sahel.

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