Ce jour de 1959 où l’Algérie devint indépendante

Dans son nouveau livre, l’historien Benjamin Stora revient sur le discours du général de Gaulle au cours duquel il prononça pour la première fois le mot « autodétermination ».

Renaud de Rochebrune

Publié le 10 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Lorsque l’on souhaite citer les dates clés de la guerre d’Algérie, on se heurte à un premier obstacle : à de rares exceptions près, ce ne sont pas les mêmes selon que l’on se situe côté algérien ou côté français. Ainsi, alors que l’offensive d’août 1955 dans le Constantinois ou le Congrès du FLN dit de la Soummam en 1956 sont pour les Algériens des étapes majeures de la lutte de libération, elles sont pratiquement ignorées dans l’Hexagone. Inversement, à Alger, on ne prête guère d’importance au retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958. Ni au « putsch des généraux » d’avril 1961.

Il existe néanmoins pour les historiens un second obstacle : certaines dates majeures sont occultées à la fois par les uns et par les autres. Ainsi en est-il du 16 septembre 1959, dont peu de gens, même dotés d’une excellente mémoire ou d’une vaste culture, connaissent l’importance. Or il s’agit tout simplement, selon Benjamin Stora qui publie un livre entier sur cet événement, d’un tournant décisif de la guerre. C’est en effet ce jour-là que s’est enclenché le processus conduisant à l’indépendance de l’Algérie. Cette date est celle du premier discours dans lequel le mot « autodétermination » a été prononcé par le chef de l’État français, après cinq ans de guerre. Il y a donc bien un avant et un après le 16 Septembre. Car même si les affrontements ont encore duré presque trois ans avant que les armes ne se taisent, le 18 mars 1962, le sort de l’Algérie française était en réalité définitivement scellé par le ralliement du général au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. 

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Revirement

Curieusement, comme le montre Stora, la plupart des acteurs de la tragédie n’ont pas aussitôt perçu l’importance de ce revirement. Les combattants indépendantistes craignaient un piège et, mis à part Ferhat Abbas, le plus lucide à cette occasion, ils ont pensé que cette proposition avait pour seul objectif de neutraliser l’hostilité générale rencontrée par les Français aux Nations unies. Quant aux dirigeants et aux hommes d’influence français, ils ont mis plusieurs mois à comprendre la portée de ce choix, ne retenant du discours que ce qu’ils voulaient entendre. C’est-à-dire que de Gaulle préférait la solution d’une association entre la France et une Algérie autonome. Seuls les ultras parmi les ultras au sein de l’armée (le colonel Argoud, futur cadre de l’OAS), du monde politique (le député Jean-Marie Le Pen) ou de la société civile (le directeur et éditorialiste de L’Écho d’Alger, Alain de Sérigny) ont tout de suite compris que la page de l’Algérie française était tournée.

Le choix de l’Élysée marquait-il pour autant une évolution radicale de la pensée du Général de Gaulle, forcé de constater l’efficacité du combat des indépendantistes sur les plans militaire et politique ? Ou ne faisait-il qu’annoncer publiquement une certitude ancienne sur l’inéluctabilité de l’indépendance ? La réponse ne va pas de soi et les historiens en débattent encore aujourd’hui. À lire Stora, on a de bonnes raisons de penser que si les deux hypothèses sont pour partie vraies, la seconde est étayée par des indices nombreux et des témoignages concordants. Car, pour le fondateur de la ve République, l’enjeu majeur était alors de choisir entre le conservatisme – avec le maintien de l’empire français – et la modernité – avec un recentrage du projet national sur l’Europe et le développement économique, désormais principal garant de la puissance. Face à cet enjeu, le choix du général était manifestement arrêté depuis le jour de son retour au pouvoir.

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