Général Emballage monte au front
Après avoir vivoté pendant des années dans l’ombre du mastodonte Tonic Emballage, liquidé en juillet dernier, l’outsider s’empresse d’occuper le vide laissé par le leader déchu, sur le marché national comme à l’export.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Ramdane Batouche n’est pas près de démentir cet adage. C’est peu dire que la faillite de Tonic Emballage, premier grand complexe papetier d’Afrique mis en liquidation en juillet 2009, après un cumul de dettes avoisinant les 60 milliards de dinars (592 millions d’euros), a ouvert un grand boulevard à son rival Général Emballage, que dirige Ramdane Batouche.
« Au milieu des années 2000, Tonic dominait outrageusement tous ses concurrents, explique ce jeune entrepreneur de 43 ans. Non seulement il possédait des usines ultramodernes, mais il n’hésitait pas à écraser les prix pour tuer la concurrence dans l’œuf. » Résultat : Tonic, créé en 1985, est devenu le numéro 1 du carton d’emballage en Algérie. Mais à l’instar de l’empire Khalifa, qui a prospéré dans les secteurs de la banque et du transport aérien avant d’exploser en plein vol, Tonic s’est écroulé comme un château de cartes. La roue ayant tourné, Ramdane Batouche ne s’est pas fait prier pour prendre la place du géant déchu.
Installé dans la zone industrielle de la ville d’Akbou (à 40 kilomètres à l’ouest de Béjaïa), Général Emballage approvisionne aujourd’hui 70 % des plus gros industriels algériens (Cevital, Nestlé, Danone Djurdjura, Henkel, Coca-Cola, Laiterie Soummam, biscuiterie Bimo…). L’entreprise, qui exporte également ses produits vers la France et la Tunisie, possède trois unités de production d’une capacité de 80 000 tonnes par an, emploie 544 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 2,3 milliards de dinars (24 millions d’euros) en 2008. « Nos activités connaissent une forte marge de progression, affirme le PDG, tant et si bien que, pour 2009, nous comptons réaliser un chiffre d’affaires de 2,9 milliards de DA [28 millions d’euros]. »
Des débuts laborieux
Et pourtant, la réussite aura été longue à se dessiner. Pour Ramdane Batouche, l’aventure industrielle commence en 1984. Recalé au bac, il décide de rejoindre la petite fabrique de yaourt (Laiterie Djurdjura) lancée par son père Mohand avec un capital de 50 000 DA (500 euros). À cette époque, l’idée de fabriquer des pots de yaourt, un produit considéré comme un luxe par les ménages algériens, pouvait sembler saugrenue, voire suicidaire. Après un début poussif, les affaires décollent en 1996 lorsque l’entreprise investit 7 millions d’euros dans une nouvelle usine. En moins de deux ans, les Batouche s’adjugent 70 % du marché du yaourt en Algérie.
En 2001, le géant français Danone acquiert 51 % du capital de l’entreprise familiale. Le montant de la transaction demeure confidentiel, mais Ramdane Batouche, l’un des actionnaires, empoche un pactole qui le met à l’abri pour plusieurs décennies. « J’avais gagné assez d’argent pour m’installer dans une île paradisiaque, affirme ce père de quatre filles. Au lieu de profiter d’une retraite dorée, j’ai choisi de réinvestir les bénéfices de la revente. Et puis j’aime trop l’Algérie pour aller placer mes billes dans un autre pays. » Tout en demeurant membre du conseil d’administration de Danone Algérie, qu’il quittera en 2006, lorsque la famille Batouche cédera les 49 % restants du capital à Danone, il persévère dans l’emballage, sur le créneau du papier et du carton – les besoins de l’Algérie en la matière s’élèvent à 140 000 tonnes par an.
Dotée d’un capital de départ de 1,4 million d’euros, l’usine de Général Emballage entre en service en 2002. Avec une production annuelle de 6 000 tonnes, l’entreprise connaît des débuts laborieux, d’autant plus que les émeutes qui secouaient à l’époque la Kabylie rendaient la livraison aux clients très aléatoire. De plus, le bulldozer Tonic, avec son usine ultramoderne installée à l’ouest d’Alger, écrasait toute concurrence sur son passage. Général Emballage peine à survivre. « Les fins de mois étaient tellement difficiles que j’ai engagé mes fonds personnels pour payer les salaires des travailleurs et honorer les créances bancaires », reconnaît Ramdane Batouche. Tenace, il refuse de baisser les bras. Le tournant survient en 2006 lorsque Tonic, plombé par les dettes, entame sa descente aux enfers. Une brèche s’ouvre pour les concurrents. En 2007, Général Emballage engrange ses premiers bénéfices. Depuis, les affaires prospèrent. « Tous nos bénéfices seront réinvestis dans la construction de nouvelles usines ou dans la modernisation des sites actuels, assure le PDG. L’industrie algérienne n’en est qu’à ses balbutiements. »
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