Bibi a gagné une bataille, pas la guerre

Benyamin Netanyahou refuse de geler la colonisation en Palestine, comme le lui demande Barack Obama, et cherche même à jouer au plus malin avec le président américain. Qui n’a pas dit son dernier mot.

Publié le 9 septembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a choisi de s’opposer à Barack Obama sur deux sujets clés de sa politique étrangère : la création d’un État palestinien et la réconciliation avec l’Iran. Non seulement il refuse de céder aux demandes du président américain, mais il cherche à jouer au plus malin et à le faire échouer. Ainsi, pour sauver sa coalition de droite (et son poste de Premier ministre), Netanyahou n’a pas hésité à offenser Obama et à mettre en danger la relation vitale d’Israël avec les États-Unis. Qu’il ait agi de la sorte indique qu’il pense sortir vainqueur de ce bras de fer. Il pourrait même avoir déjà gagné la première manche. Si l’on en croit un porte-parole du département d’État, les États-Unis ont quelque peu assoupli leur exigence d’un gel total de la colonisation comme préalable à l’ouverture de négociations israélo-palestiniennes. Washington semble aussi s’être rallié aux demandes israéliennes d’adopter des sanctions plus sévères à l’encontre de l’Iran s’il ne cesse pas ses activités d’enrichissement de l’uranium d’ici fin septembre. Obama s’était donné jusqu’à ce mois-ci pour réexaminer la situation. 

Une politique à courte vue

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Ces apparentes concessions pourraient cependant n’être que tactiques. En mettant la pression sur Netanyahou, Obama a agi avec une grande prudence. Il n’a pas encore révélé son propre plan de bataille, comme s’il souhaitait que les Israéliens tirent d’eux-mêmes certaines conclusions plutôt que d’y être contraints. Dans l’esprit de Netanyahou, pourtant, c’est Obama qui est sur la défensive, pas lui. Après tout, le président américain a commis un péché capital : placer les intérêts israéliens et palestiniens sur un pied d’égalité et tendre une main amicale à l’Iran. Netanyahou veut que le régime iranien soit renversé à l’instar de celui de Saddam Hussein, qu’Israël et ses amis ont pressé les États-Unis de liquider. Aujourd’hui, il est clair que Netanyahou n’a aucunement l’intention de mettre fin à l’occupation et à la colonisation de la Cisjordanie, ni d’accepter la création d’un État palestinien digne de ce nom. Il n’a pas lésiné sur les moyens pour faire pression sur la communauté internationale afin qu’elle adopte des « sanctions paralysantes » contre l’Iran, tout en laissant entendre qu’Israël frapperait lui-même ce pays, avec ou sans le feu vert de l’Amérique, s’il ne mettait pas fin à son programme nucléaire.

Cette politique arrogante et à courte vue reflète l’absence de renouvellement de la pensée stratégique israélienne. Netanyahou et ses collègues civils et militaires paraissent ignorer que l’opinion internationale (y compris américaine) ne regarde plus Israël de la même manière et qu’un nouvel équilibre des forces se profile au Moyen-Orient. Tout se passe comme si les dirigeants israéliens restaient persuadés que les méthodes brutales seront aussi efficaces à l’avenir qu’elles l’ont été dans le passé. Et qu’Israël n’a, par conséquent, nul besoin de faire des concessions.

Mais Netanyahou pourrait bien se retrouver pris à son propre piège. Obama n’a pas encore dévoilé son plan de paix. Il est question d’une rencontre tripartite entre les deux hommes et Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, à New York, à la fin de septembre. Netanyahou risque de tomber sur un os à ce moment-là. Car, selon des observateurs, Obama n’a pas reculé d’un pouce depuis son discours du 4 juin au Caire. « Israël doit reconnaître, avait-il déclaré, que, de la même manière que son existence ne peut être niée, le droit de la Palestine à exister ne peut l’être non plus. Les États-Unis ne reconnaissent pas la légitimité de la politique israélienne de continuelle colonisation. Celle-ci viole les accords signés et compromet les efforts pour bâtir la paix. Il est temps d’y mettre un terme. » Obama aurait pu ajouter que la mainmise israélienne sur les terres palestiniennes ne devrait pas seulement cesser, mais être remise en question. Pour que le conflit puisse enfin être réglé, des colonies devront être évacuées et des frontières définies ; Jérusalem devra être partagée, et il faudra trouver une solution pour les réfugiés.

Netanyahou doit comprendre qu’il est dangereux de saboter les grandes lignes de la politique d’Obama au Moyen-Orient, de défier l’Iran, une puissance régionale au nationalisme sourcilleux et à la très ancienne civilisation, dont la population est dix fois plus nombreuse que celle d’Israël, et de rejeter l’Initiative arabe pour la paix de 2002, qui est toujours sur la table, mais pour combien de temps encore ? Il doit aussi comprendre qu’il est dangereux de poursuivre la construction dans Jérusalem-Est, de tenter de détruire le Hamas en assiégeant Gaza, de retarder la libération de Gilad Shalit – le soldat franco-israélien capturé par le Hamas en juin 2006 – en refusant de procéder à un échange de prisonniers. Enfin et surtout, qu’il est dangereux d’alimenter la haine contre Israël en se montrant aussi indifférent au sort des Arabes.

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Aussi compliqué que le conflit israélo-palestinien puisse paraître, le temps d’une solution est venu. Barack Obama est le seul dirigeant au monde (et même le seul que nous verrons de notre vivant) capable de la trouver. Il sait que les relations futures de l’Amérique avec le monde arabo-musulman dépendent du règlement de ce conflit, qui est aussi le seul moyen de conjurer la malédiction du terrorisme. Une paix israélo-arabe globale stabiliserait la région, ouvrirait une ère de prospérité, garantirait la sécurité d’Israël à long terme, ramènerait l’Iran dans le cercle des pays amis et permettrait même à Washington, avec l’aide d’un négociateur habile, de mettre fin dans l’honneur à l’absurde et ruineuse guerre d’Afghanistan. Netanyahou a peut-être gagné la première manche contre Barack Obama, mais il n’a pas gagné la guerre. Nous n’avons assisté jusqu’ici qu’à des escarmouches. La vraie bataille est à venir.

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