Juifs, Noirs et Africains

Si tout le monde connaît les Falashas d’Éthiopie, de petites communautés se réclamant également du judaïsme vivent dans d’autres pays subsahariens.

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Publié le 9 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

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Abayudayas d’Ouganda, Ibos du Nigeria, Lembas d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, Baloubas du Congo et Falashas d’Éthiopie ont (au moins) deux points communs : ils sont africains et juifs. Au Ghana, au Cap-Vert ou au Cameroun, il existe aussi des petits groupes de personnes pratiquant « une certaine forme » de judaïsme. Si l’histoire des Falashas éthiopiens a fait l’objet de nombreuses études, ce n’était pas le cas des autres. Spécialiste du « judaïsme marginal », chercheuse associée de la School of Oriental and African Studies de l’université de Londres, Edith Bruder vient de combler ce manque en publiant The Black Jews of Africa. Ce livre, qui propose un tour d’horizon quasi exhaustif des communautés juives d’Afrique, revient sur les conditions de leur émergence et jette les bases d’études futures sur les quelque 30 000 Ibos qui se disent juifs ou sur l’étonnant leader des Abayudayas d’Ouganda, Samei Lwakilenzi Kakungulu…

Identifier les origines de ces communautés relève parfois de la mission impossible. Certains invoquent les textes bibliques et les passages concernant les Dix tribus perdues d’Israël ou la rencontre entre le roi Salomon et la reine de Saba. « La véracité de ces textes est toujours discutée, explique Edith Bruder. Mais que ce soit vrai ou faux n’est pas le sujet. Une identité est toujours fondée sur des mythes. La pensée construit parfois des fictions qui deviennent réelles. » Ainsi, pour nombre d’Éthiopiens, le Kebra Nagast qui fait de Ménélik le fils de Salomon et de la reine de Saba est une réalité fondatrice indiscutable… 

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Ibos, Lembas…

D’autres sources, rares, attestent de la présence des juifs au sud du Sahara. « Les géographes juifs de Majorque affichent dans leurs portulans une connaissance importante du Mali qui ne pouvait venir que de leurs coreligionnaires », affirme la chercheuse. Et si Léon l’Africain raconte que des juifs ont été chassés de Tombouctou… c’est bien qu’ils y vivaient !

Depuis la fin des années 1990, des analyses d’ADN ont même permis d’identifier un marqueur génétique qui serait propre aux descendants d’une caste de prêtres juifs, les cohanim. Lequel marqueur se retrouve chez certains Lembas. Prudente, Edith Bruder invite à se méfier de ces études balbutiantes qui « apportent des informations, mais en aucun cas une preuve indubitable ».

L’expression des identités juives en Afrique est un phénomène récent qui doit beaucoup à la reconnaissance des Falashas. « C’est l’élément fondateur, le déclencheur qui a suscité un déferlement d’affirmations en nourrissant l’imaginaire des populations là où il existait déjà des mythes ou des légendes locales renvoyant au judaïsme », analyse Bruder. L’efficacité des moyens de communication actuels n’a fait qu’accélérer le mouvement.

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Dans The Black Jews of Africa, Edith Bruder s’attarde aussi sur les influences extérieures qui modèlent la pensée et les pratiques des communautés « judaïsantes » d’Afrique. Elle insiste sur le fait que les premiers mouvements de juifs noirs sont nés aux États-Unis et qu’il y a eu un jeu d’échanges entre Africains et Africains-Américains juifs. Aujourd’hui, le rabbin noir Capers Funnye Jr. est ainsi en contact rapproché avec les Ibos et les Falashas. Quant à l’association prosélyte américaine Kulanu, elle « prône la diversité dans le judaïsme » et apporte son soutien dès qu’un frémissement revendicatif se fait sentir.

En Israël, l’intégration des Falashas n’a cessé de poser problème. Ibos, Lembas, Abayudayas et autres envisagent-ils l’aliyah, l’immigration en Terre sainte ? « Les Lembas juifs occupent souvent de hautes positions sociales. Je n’en ai pas rencontré qui parlaient d’émigrer, témoigne Bruder. On ne peut pas schématiser. Mais il faut faire la différence entre l’aliyah et le rêve que représente Jérusalem. » Une terre promise, sans doute. 

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